On pouvait s’en douter. La mainmise, sans cesse rénovée, de la France sur ses anciennes colonies africaines n’allait pas être un enjeu de cette présidentielle. La guerre en Ukraine a même emporté l’animosité envers les réfugié.es ou l’islamophobie ambiante pourtant si partagées. Pour un temps. L’accueil des ukrainien.nes se fait comme une quasi évidence. La France pratique pourtant depuis quelques décennies le rejet violent et mortifère à l’encontre de celles et ceux qui ont fui d’autres guerres. Parfois françaises ou occidentales. L’auteur kényan Patrick Gathara le relève [1] : « les journalistes choqués que le continent sombre dans l’abîme qu’ils croyaient réservé au reste de l’humanité, ne daignent évoquer les différences de traitement des demandeurs d’asile qu’en passant. Le mot « racisme » semble soigneusement évité. L’ironie de pouvoirs européens accueillant des réfugié.es fuyant l’agression russe tout en fermant leur porte à celles et ceux qui fuient leurs propres invasions et occupations leur échappe visiblement. » On pense à l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et aux suites de ces guerres. Les morts n’ont pas tous la même peau. Cela a d’ailleurs été vertement rappelé aux africain.es résidant en Ukraine, empêché.es de monter dans les bus ou refoulé.es à la frontière polonaise.
On redécouvre aussi l’attachement à la paix, au droit international et la condamnation ferme de la dictature chez nos dirigeants. Il s’agira de s’en souvenir lorsqu’il prendra à Macron ou un autre président français d’aller serrer la main à l’héritier du moment des dynasties Bongo ou Déby, de vendre des Rafales au Maréchal Al-Sissi ou de lancer une nouvelle « opération extérieure ». _ Ce numéro de Billets d’Afrique se penche ainsi sur le bilan du quinquennat passé qui ne semble pas plus que les précédents s’être encombré de considérations humanistes ou de respect de la souveraineté des peuples africains. Les perfusions d’hydrocarbures venant de Russie étant en jeu, il est à craindre que les choses ne s’améliorent pas en Françafrique. Ce n’est décidément toujours pas le moment de lâcher les sources de pétrole ou d’uranium qui alimentent notre « indépendance énergétique ». D’autant moins que nos brutaux amis ont tendance à s’acoquiner avec les mercenaires russes et les entreprises chinoises.
Le cynisme et le racisme de notre État et de bien des commentateurs médiatiques s’exposent, encore, à l’occasion de cette guerre. Mais l’idéologie, contrairement aux richesses, a la fâcheuse tendance à ruisseler et imprégner la société française. Même en comptant les progrès de l’absention, les scores annoncés des candidatures d’extrême et ultra-droite sont une source d’inquiétude. Le nationalisme, le racisme, qui puisent dans les guerres et le colonialisme autant qu’ils les alimentent ont gagné du terrain. Nous disposons pourtant de marges de liberté pour une solidarité sans géométrie variable et nous opposer aux pulsions morbides de l’air du temps. Tâchons de nous en emparer même entre deux élections présidentielles.
Mathieu Lopes