Survie rejoint la coalition Guerre à la guerre, aux côtés d’une vingtaine d’organisations et collectifs. Une démarche dans le prolongement de nos combats anticoloniaux et antiracistes de toujours.
Choisir Eurosatory, « salon mondial de la défense et de la sécurité », pour officialiser l’entrée en « économie de guerre » comme l’a fait Emmanuel Macron en 2022 ? Une occasion rêvée pour traduire ce choix politique en chèques ! Ces raouts internationaux permettent aux industriels et États de mettre en vitrine leurs nouvelles technologies et de créer leurs conditions d’utilisation. La France, et ses entreprises leaders sur le marché comme Thalès ou Safran, est le deuxième marchand de mort au monde. En 2024, le « pays des droits de l’Homme » a engrangé 18 milliards d’euros de prises de commande grâce aux ventes d’armement, dans une opacité bien utile pour taire les complicités de crimes. Notre pays a bien ratifié en 2014 le Traité sur le commerce des armes, qui interdit d’exporter des dispositifs qui « pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité […] contre des civils ou d’autres crimes de guerre », mais ces lignes rouges n’en ont en fait jamais vraiment été pour la septième puissance mondiale.
Bien avant les actuelles livraisons à l’armée israélienne en pleine extermination des Palestinien·ne·s [1], Paris avait déjà l’habitude d’approvisionner des régimes criminels – l’Égypte ou le Tchad, pour ne citer que deux exemples récents en Afrique. Même si elle est aujourd’hui soumise à autorisation, l’exportation de biens « à double usage », à savoir civil et militaire, continue de faciliter les transactions illégales.
La guerre, pilier néocolonial
Conflits et répressions deviennent ensuite des publicités à ciel ouvert : longtemps boudé, le Rafale a trouvé acheteurs une fois « éprouvé au combat » (combat proven), comme lors des opérations militaires françaises en Libye et au Mali. « Merci pour votre double mission, à la fois opérationnelle et… commerciale », aurait ainsi résumé François Hollande en s’adressant aux pilotes français en 2013 (Le Canard Enchaîné, 16/01/2013). La guerre « contre le terrorisme » au Sahel, à l’instar de toutes les opérations militaires en Afrique depuis des décennies, a confirmé que l’ancien pré-carré colonial était un laboratoire idéal pour tester doctrines et matériels. La Francophonie aussi est un vecteur d’ouverture des marchés d’armes [2] et de la coopération militaro-policière, au cœur du soutien aux régimes autoritaires françafricains.
Les guerres impérialistes visent à maintenir l’ordre capitaliste et colonial. Guère étonnant dès lors que ces logiques de hiérarchisation des vies se prolongent dans une guerre raciste contre les « ennemis de l’intérieur » : les territoires dits d’outre-mer, les quartiers populaires, les exilé·e·s aux frontières… Les violences d’État ont battu plusieurs records en 2024, depuis le nombre de crimes policiers recensés (selon les chiffres de Désarmons-les !) jusqu’aux morts en Méditerranée (Onu), sans oublier la répression contre le soulèvement indépendantiste kanak.
« Ils sont en guerre, nous sommes un front »
Depuis des décennies, l’association Survie documente le rôle du complexe militaro-industriel dans le néocolonialisme français en Afrique. Elle a notamment interpelé avec l’Observatoire des armements les député·e·s sur les violations d’embargos en 2016 et relancé une plainte sur les livraisons d’armes françaises pendant le génocide des Tutsis en 2017. Et en 2024, elle a participé à une campagne unitaire pour un retrait total et rapide de l’armée française d’Afrique. Ce combat se poursuit aujourd’hui au sein de la coalition Guerre à la guerre, qui rassemble une vingtaine d’organisations, aux positionnements par ailleurs très divers sur la question de la lutte armée : Tsedek, Soulèvements de la Terre, Technopolice, Stop Arming Israël France…
Mais les débats ont été mis de côté pour l’heure face à l’urgence à désarmer le système impérialiste et raciste pour construire un monde libéré de la violence d’État et du colonialisme. Des événements à travers la France s’organisent pour relancer un anti-militarisme populaire, jusqu’à la mobilisation massive prévue lors du Salon de l’aéronautique du Bourget, autour de trois luttes principales : contre l’économie de guerre, destructrice sur les plans humain, social et environnemental ; contre le business de la guerre, au profit de puissances impérialistes ; contre la participation des délégations israéliennes impliquées dans le génocide en cours.
Face à un système structuré par la violence, le racisme et l’impunité au profit des classes dominantes, il est temps de faire collectivement guerre à la guerre et d’enrayer cette machine de mort !
[1] « En pleine guerre à Gaza, la France équipe des drones armés israéliens » (Disclose, 17/06/2024).
[2] « Francophonie : la langue des armes » (Billets d’Afrique n°267, mai 2017).