Au pouvoir depuis 1967, le clan Gnassingbé continue de réprimer celles et ceux qui osent, comme en juin dernier, s’opposer à sa mainmise sur le Togo. Avec, encore et toujours, la complicité de l’État français.
Ce mois de juin 2025 a été marqué par un vaste mouvement de protestation au Togo. Dès le 5, mais plus encore à la fin du mois, d’importantes manifestations ont secoué la capitale Lomé. Les raisons de cette colère populaire, exprimée surtout par la jeunesse togolaise : le coût de la vie, des arrestations de voix critiques du régime, en particulier celle du rappeur Aamron, qui avait appelé aux premières manifestations (il sera finalement libéré le 21 juin). Mais surtout la réforme constitutionnelle adoptée l’an dernier.
Rappel des faits : le 19 avril 2024, un parlement monochrome votait une nouvelle loi fondamentale taillée sur mesure pour Faure Gnassingbé, 59 ans, à la tête du pays depuis 20 ans (après avoir succédé à son père, lui-même resté 38 ans au pouvoir). En mai dernier, le président de la République est ainsi devenu président du conseil des ministres, fonction qui concentre désormais tous les pouvoirs. Un changement pensé avant tout pour permettre au dictateur togolais de se maintenir aux affaires sans limite de temps.
Comme à son habitude [1], le régime a violemment réprimé les manifestations, déclarées illégales. Dès le 17 juin, Amnesty international alertait sur des cas de mauvais traitements et même de tortures sur des manifestant·e·s interpelé·e·s par les forces de sécurité togolaises. Le 29 juin, des organisations de la société civile, réunies dans le Front citoyen Togo debout, dénonçaient dans un communiqué des dizaines d’arrestations, des dizaines de blessés, dont plusieurs graves, et au moins sept morts, dont des mineurs – le gouvernement en reconnaîtra finalement cinq « par noyade ».
Face à cette nouvelle démonstration de force sanglante du clan Gnassingbé, la France n’a pas moufté. Il faut dire qu’à l’heure où Paris subit quelques déboires au sein de son ancien « pré carré » africain, il s’agit de ne pas se mettre à dos un allié de longue date. Surtout au moment où celui-ci se rapproche dangereusement des juntes burkinabé, nigérienne et malienne, en rupture avec Paris, et envisage même de rejoindre leur Alliance des États du Sahel (AES).
Sans doute la France rechigne-t-elle également à mettre en lumière sa coopération sécuritaire avec le Togo : rappelons qu’elle forme et arme depuis longtemps l’appareil répressif du régime Gnassingbé, avec lequel elle a notamment signé un accord de partenariat de défense en 2011 – accord jamais dénoncé depuis. Aucune formation ou fourniture de matériel n’aurait cependant eu lieu depuis le début de l’année, assure-t-on du côté des autorités françaises (LeMonde.fr, 18/07). Mais Paris n’est pour rien dans cette pause (ou du moins ce ralentissement) dans la coopération sécuritaire entre les deux pays : il semblerait que ce soit Lomé qui ne soit plus très demandeur… Même boudé, l’État macroniste ne dévie pas de sa criminelle ligne françafricaine.
[1] Déjà en 2005 lors de l’accession au pouvoir de Gnassingbé fils, mais aussi en 2017, la violente répression de mouvements populaires s’était soldée par des blessés et des morts.