Survie

Côté économie, où en est la Françafrique ?

(mis en ligne le 3 décembre 2025) - Arthur Baron

Dans un rapport publié cette rentrée, l’association Survie dresse un état des lieux inédit des intérêts économiques de la France sur le continent africain, et tout particulièrement dans les pays qu’elle a anciennement colonisés. De quoi combattre certaines idées reçues et aider à analyser les ressorts profonds du néocolonialisme français.

Le 8 janvier 2025, sur les médias d’extrême-droite Europe 1 et CNews du milliardaire Bolloré [1], Sébastien Lecornu, donnait une leçon de (néo)colonialisme à la française : «  L’influence française en Afrique, elle n’est pas que militaire. Si elle se résume à une base, très franchement, c’est complètement une vision du XIXe siècle. Le vrai agenda, il est à mon avis économique. »
À la suite d’Emmanuel Macron, qui la veille dénonçait « l’ingratitude » de certains chefs d’État africains et affirmait sans rire que la France avait décidé de son propre chef de réduire son engagement militaire sur le continent (au Sahel en particulier) [2].-, le ministre des Armées faisait mine ici de minimiser, voire de contrôler les événements. Une attitude faussement détachée, peu convaincante, mais une déclaration qui rappelait que la Françafrique ne s’est jamais réduite au seul champ militaire. Et que Paris entend bien contrebalancer son actuelle perte d’influence de ce côté-là sur d’autres terrains.
La présence économique de la France en Afrique fait justement l’objet aujourd’hui de nombreux jugements plutôt hâtifs. Notre pays serait désormais chassé du continent africain, peut-on entendre. Ou, au contraire, il continuerait à le piller comme il le faisait au début du XXe siècle. La France serait désormais remplacée par la Chine ou la Russie. Ou elle aurait en réalité encore la mainmise totale sur les économies de certains pays via les réseaux historiques de la Françafrique.
L’association Survie a cherché à y voir plus clair, afin de mettre fin aux idées toutes faites sur cette question et mieux saisir les motivations des politiques néocoloniales de l’État français. « Que reste-t-il des intérêts économiques de la France en Afrique ? » : c’est le titre du rapport que nous publions en cette rentrée (à retrouver en intégralité sur notre site web Survie.org). Retour sur ses principaux enseignements.

Le recul des intérêts « français »

Le rapport constate d’emblée que « les chiffres du commerce extérieur sont sans appel : entre la fin des années 1970 et aujourd’hui, la part de marché française en Afrique subsaharienne a été divisée par cinq, passant de 15 % à 3 % du total des importations africaines. De l’autre côté, « la France n’achète plus que 2 % des productions du sous-continent, six fois moins qu’au lendemain des indépendances, et sa part dans le commerce extérieur français a chuté dans des proportions sensiblement équivalentes ».
Le constat est d’autant plus frappant à propos des pays africains ayant été anciennement colonisés par la France où « la part de marché des entreprises hexagonales y était, en moyenne, de plus de 60 % au lendemain des indépendances » contre à peine un peu plus de 10 % désormais. Les exportations des pays d’Afrique subsaharienne vers la France ont, quant à elles, été divisées par 10. Ces données doivent cependant être nuancées et remises dans leur contexte.

Un point de départ biaisé : l’économie coloniale

La colonisation a permis aux puissances européennes – et à leurs groupes industriels – d’étendre leur territoire, mais aussi d’accroître leurs profits. La mise en place d’une économie transformant les territoires conquis en supplétifs des besoins et envies des sociétés des pays colonisateurs a permis l’essor économique et social de l’Europe. Les colonies françaises ont ainsi été administrées pour exporter leur production – principalement des matières premières – en priorité vers la « métropole », qui y exportaient en retour des produits transformés, instaurant des relations économiques de quasi-exclusivité et d’extrême dépendance.
Les colonies françaises d’Afrique deviennent, à partir des années 1960, des pays indépendants (au moins en apparence). Sauf que le système économique hérité de la période coloniale ne cesse pas pour autant : ces pseudo-indépendances ne remettent en réalité pas en cause le rôle économique de ces pays vis-à-vis de la France.
Les comparaisons des données économiques des décennies 2000-2020 avec celles des décennies 1960-1980 sont à considérer à l’aune de ce passé colonial. La France – via ses entreprises – ne peut être qu’en recul économiquement sur le continent africain en raison de l’anormalité des relations entretenues pendant la période d’inféodation coloniale. Le rapport établit qu’au lendemain des indépendances, « près des deux tiers du commerce extérieur des ex-colonies (importations et exportations) se faisait avec la France, alors que ces ex-colonies représentaient moins de 7 % du commerce extérieur hexagonal, déjà préférentiellement tourné vers l’Europe ou les États-Unis ».

La Françafrique dans une économie mondialisée

En 1991, l’implosion de l’URSS opère un changement de paradigme économique à l’échelle mondiale avec l’avènement de la phase néolibérale du capitalisme. La mondialisation/globalisation permet de connecter l’ensemble des pays du monde entre eux, avec des règles commerciales libre-échangistes, ce qui modifie l’ensemble des rapports économiques entre nations. Et bien sûr les situations post-coloniales, comme celle de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies.
Les opportunités offertes par la fin de la guerre froide avec l’ouverture de marchés partout dans le monde conduisent les propriétaires français d’industries à délocaliser leurs usines dans des pays où la main-d’œuvre est moins coûteuse. Le rapport montre clairement que cette désindustrialisation de la France précède et donc entraîne la chute des exportations de la France vers les pays d’Afrique subsaharienne, puisque les industries ne sont plus installées sur le territoire national. Et l’impact se fait sentir sur tous les flux économiques : la France n’importe plus des matières premières en provenance du continent africain, ou en moindre quantité, suite à ces restructurations industrielles. Dans ce contexte de mondialisation/globalisation, l’économie française dépend toujours en partie de matières premières africaines, mais préalablement transformées ailleurs – en Asie notamment. Le recul des « intérêts économiques de la France en Afrique » est donc d’abord lié à ces facteurs conjoncturels.
Le rapport se focalise sur des exemples précis. Le secteur du textile par exemple : « En 1967, il représentait le deuxième poste d’exportation de la France en Afrique subsaharienne (11,8 % du total des exportations), derrière l’automobile, et le sous-continent absorbait 10,5 % du total de ses ventes à l’étranger. » En l’espace de vingt ans seulement, « la valeur de ces exportations a été divisée par quatre en euros constants ». Ce secteur ne représente à présent « plus que 1 à 2 % du total des exportations hexagonales en Afrique subsaharienne, alors qu’il est devenu l’un des premiers postes d’exportation de la Chine (14,2 % du total de ses exportations) ». Cet effondrement correspond en fait aussi à celui de l’outil de transformation en France – les industries du textile – comme en témoigne la chute des volumes de coton importé (voir notre graphique).
Des exceptions existent cependant, dans le secteur des matières premières énergétiques (uranium jusqu’à récemment, gaz naturel) et les produits agricoles. « Les volumes d’importation d’arachide, de café ou d’huile de palme en particulier sont en augmentation, une tendance à mettre en relation avec la spécialisation agro-industrielle de l’outil productif hexagonal et, pour l’huile de palme, avec le développement des agrocarburants ». Toutefois, les entreprises françaises diversifient leurs approvisionnements, qui ne proviennent plus uniquement du continent africain comme durant la période 1960-1980.

Persistance de l’échange inégal

Si l’ouverture des marchés économiques a mis fin aux relations d’exclusivité entre les ex-colonies et leur « métropole », les anciens pays colonisés ont été maintenus dans une économie coloniale reconfigurée. Dans le cas de la France, l’analyse des parts des importations et des exportations des anciennes colonies françaises africaines depuis et vers la France entre 1961 et 2021 est frappante : elles ont diminué de 60 %. Le rapport publié par Survie nuance toutefois ces données en rappelant que « la place de l’Afrique subsaharienne dans le commerce extérieur français est en recul depuis les indépendances, mais le solde commercial des échanges avec l’Afrique (exportations moins importations) est positif et s’est globalement accru sur la presque totalité de la période ». En valeur, le déséquilibre des échanges commerciaux s’est donc aggravé. De plus, « les parts de marché françaises en Afrique subsaharienne ont certes été divisées par cinq en 60 ans, mais dans un marché dont la taille a été multipliée par douze » Elles ont donc continué à augmenter en volume.

Une dépendance maintenue (mais dissimulée) aux matières premières africaines

Les relations économiques entre deux pays sont souvent analysées sous le prisme des chiffres relatifs au commerce extérieur (importations, exportations, parts de marché). Mais ces données sont insuffisantes au vu de la complexification des échanges économiques dans notre système capitaliste globalisé.
L’exemple de la bauxite (minerai qui, une fois transformé en alumine, permet de produire de l’aluminium) est éclairant : « La mondialisation a considérablement complexifié les processus de production et les marchandises empruntent des chemins tortueux, tout au long de l’élaboration du produit fini, qui cachent en partie leur origine ou leur destination finale. […] La sidérurgie française de l’aluminium n’importe plus de bauxite guinéenne pour la transformer en alumine, mais importe de l’alumine des raffineries irlandaises, qui elles-mêmes s’approvisionnent en Guinée. »
La France, dans un processus de désindustrialisation et de délocalisation, est toujours dépendante des matières premières qu’elle ne produit pas sur son territoire, mais passe désormais par des sous-traitants présents dans d’autres pays européens, occidentaux ou d’ailleurs. Les entreprises françaises dépendent donc toujours en grande partie des matières premières africaines (comme une grande part des entreprises du monde entier), même si cela n’apparaît pas dans les chiffres du commerce extérieur.

« La France est chassée d’Afrique » et autres fadaises

Ce recul des « intérêts de la France en Afrique » n’est pas principalement dû à une montée en puissance récente de nations comme la Chine ou la Russie sur le continent africain. C’est en fait un long processus qui a commencé dès la fin des années 1980. Notre pays n’est d’ailleurs pas le seul à être affecté puisque cela concerne « l’ensemble des anciennes puissances coloniales européennes (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays-Bas et Portugal), mais aussi les États-Unis et le Japon ».
« Au lendemain des indépendances, ces neufs pays contrôlaient plus des trois quarts du commerce extérieur de l’Afrique subsaharienne. À la fin des années 2010, c’était moins du tiers. En soixante ans, le nombre de pays disposant d’une part de marché significative en Afrique subsaharienne – plus de 1 % des importations – est passé de onze – les neufs précités plus le Canada et l’Inde – à vingt-trois. La Chine naturellement, mais aussi la Suisse, les Émirats arabes unis, la Corée, l’Indonésie, la Thaïlande ou le Brésil ont fait leur entrée dans ce classement. Cette diversification des partenaires commerciaux s’accélère très nettement à partir de la décennie 1990, avec la libéralisation des échanges et la mondialisation des chaînes de production. »
Les multinationales françaises ont alors préféré, au tournant des années 1990, investir dans d’autres pays et sur d’autres continents que dans les anciennes colonies françaises d’Afrique [3]. Ce rapport permet ainsi d’objectiver un ressenti – sur le recul global des intérêts économiques français en Afrique – tout en contrebalançant le commentaire qui en est généralement fait : loin de « l’abandon » de l’Afrique par la France et d’un effet mécanique de « remplacement » des entreprises françaises par des homologues chinoises, on observe surtout une conséquence des restructurations industrielles des trois dernières décennies… dans notre pays. Le recul des relations commerciales entre les entreprises françaises et les pays africains n’a pas été subi, mais en quelque sorte choisi.

Des filiales « oubliées » dans les indicateurs économiques

Pour autant, la France n’est pas en train de disparaître économiquement du continent africain. Les entreprises françaises restent très présentes dans certains secteurs (produits pharmaceutiques, agricoles ou agro-industriels), en particulier via leurs filiales : « Au dernier recensement de 2021 publié par Eurostat, on comptait ainsi 2 421 filiales de sociétés françaises implantées en Afrique subsaharienne, six fois plus nombreuses que les filiales allemandes et neuf fois plus nombreuses que les filiales néerlandaises, deux pays qui y exportent pourtant davantage que la France au sud du Sahara. »
Autre statistique intéressante pour nuancer l’analyse des seuls chiffres du commerce international : « Sur la période 2019-2021, le chiffre d’affaires net de ces filiales s’élève en moyenne à 41,2 milliards d’euros chaque année, soit près de quatre fois le montant total des exportations françaises vers l’Afrique subsaharienne (11 milliards d’euros) et le double du chiffre d’affaires des filiales allemandes. » Si les entreprises françaises exportent moins vers l’Afrique que les autres entreprises européennes, elles ont la particularité historique d’avoir développé leurs propres filiales sur place.
Ce réseau de filiales « permet aux multinationales hexagonales de défendre leurs intérêts dans les anciennes colonies françaises ». « En 2020-2021, elles y réalisaient un peu plus de 24 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel moyen, près de quatre fois le montant des exportations chinoises (6,8 milliards d’euros) et quatre fois le montant des contrats de construction honorés par des entreprises chinoises dans ces pays (6,2 milliards d’euros). »

De nouveaux empires économiques

Dans les années 1990, de « nouveaux empires françafricains » ont vu le jour en particulier dans les secteurs de la logistique, de l’agroalimentaire et de la téléphonie profitant de la privatisation des secteurs publics africains. C’est à cette période, par exemple, que Vincent Bolloré a développé ses activités sur le continent : « En quelques années, Bolloré se construit un empire du tabac – plantations, production, commercialisation – qu’il revend en 2001 au britannique Imperial Tobacco, avant de se tourner vers la logistique, le transport ferroviaire – il obtient les concessions des lignes Abidjan-Ouagadougou en 1995, Douala-Ngaoundéré au Cameroun en 1999 et Cotonou-Parakou au Bénin en 2015 – et surtout les concessions portuaires. »
Autre exemple d’implantation économique florissante en Afrique, celui de France Télécom, devenu Orange : « Dans le secteur des télécommunications, c’est France Télécom qui est à la manœuvre : l’Afrique devient un relais de croissance essentiel pour l’opérateur, fragilisé par une concurrence exacerbée sur les marchés européens. En janvier 1997, la société prend le contrôle de l’entreprise nationale ivoirienne des télécommunications avant d’entrer au capital de la Sonatel, l’opérateur public sénégalais. Le groupe français et sa nouvelle marque Orange se portent acquéreurs des entreprises publiques mauricienne et centrafricaine, s’implantent au Cameroun, au Niger ou à Madagascar, partent à la conquête des marchés de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Mali, prennent des participations dans un opérateur égyptien et se lancent à l’assaut des marchés anglophones, au Botswana d’abord, puis au Kenya, en Ouganda ou en Sierra Leone. En une dizaine d’années, le groupe a planté son drapeau dans quinze pays africains et s’est hissé en seconde position des opérateurs du continent. »

Recul ne signifie pas disparition

« La première série statistique invitant à nuancer le propos est justement celle des parts de marché, par pays ou par groupes de pays. Certes, elles ont considérablement reculé depuis les indépendances, mais les parts de marché françaises semblent se stabiliser dans les anciennes colonies depuis le milieu des années 2010, entre 10 et 12 % selon les sources statistiques. C’est en soi une belle performance, près de six fois supérieure aux parts de marché de la France dans le reste de l’Afrique et quatre fois plus élevée que pour le reste du monde. ». Si la présence économique française est en recul dans certains secteurs, les multinationales françaises restent donc très présentes dans les anciens pays de l’Empire colonial français en Afrique. Il en résulte une asymétrie sidérante : dans plusieurs pays d’Afrique francophone, les entreprises tricolores restent à raison perçues comme la matrice de l’économie nationale.
Le cas de la Côte d’Ivoire, une des incarnations les plus fortes de la Françafrique, est révélateur. « La vague de privatisations des années 1990 ressemble beaucoup à une lame tricolore : Bouygues, France Télécom ou Bolloré se sont arrogés l’électricité, l’eau, la principale compagnie de téléphonie, la concession du port à conteneurs – véritable poumon économique du pays – ou la principale ligne de chemin de fer entre Abidjan et Ouagadougou, au Burkina Faso. La Socfin, une société luxembourgeoise dont Bolloré est l’un des principaux actionnaires, a pris le contrôle de la Société des caoutchoucs du Grand Bereby (SOGB) et le groupe Castel une partie des plantations de cannes et des usines sucrières de la Sodesucre. En 1996, la gestion du très stratégique aéroport d’Abidjan était confiée à un consortium français composé de la Chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence (CCIMP) et de la Société française d’études et de réalisations d’équipements aéronautiques (Sofréavia), une société d’ingénierie aéroportuaire publique créée au lendemain des indépendances, qui sera rachetée en 2006 par Egis – Egis est toujours aujourd’hui le principal actionnaire d’Ariea, la société concessionnaire de l’aéroport. »
Au-delà d’être encore très présentes, les entreprises françaises sont donc aussi très visibles : « Dans ces conditions, difficile de ne pas croiser en permanence ces enseignes dans les rues d’Abidjan ou de Dakar et par conséquent, difficile d’expliquer que cette omniprésence représente finalement bien peu pour ces groupes hexagonaux et pour l’économie française. Comment s’étonner qu’elles soient ensuite la cible des mobilisations populaires, comme “Auchan dégage” dénonçant la mainmise croissante de cette multinationale française sur le commerce de détail au Sénégal en 2018 […] ou, dans le même pays, lors des émeutes contre l’arrestation d’Ousmane Sonko, en mars 2021. »
Notre rapport met ainsi en lumière les continuités et les évolutions entre la période coloniale et la situation néocoloniale actuelle. S’il est vrai que les parts de marché françaises se sont effondrées depuis les indépendances, ce seul indicateur masque une présence économique hexagonale qui reste bien réelle, en particulier dans certains pays où elle reste structurante. Cette présence ne relève plus d’un modèle colonial « classique », mais s’inscrit toujours dans des dynamiques de domination et d’asymétrie, au détriment des populations locales et au bénéfice d’élites économiques et politiques.
Il est donc essentiel de dépasser les discours simplistes, autant ceux évoquant un prétendu effondrement de la France en Afrique que ceux clamant son omniprésence persistante. L’analyse des évolutions de la domination économique française n’a pas uniquement pour but de corriger les idées reçues. Elle permet de questionner les ressorts de l’ensemble de la politique africaine de la France, des outils de soft power linguistique et culturelle aux tentatives de maintenir un maillage et une présence militaires (en particulier via la coopération de sécurité-défense). Si les intérêts économiques français sur le continent suffisent finalement peu à expliquer et justifier la débauche de moyens publics mis au service de « l’influence » française, c’est sans doute que celle-ci repose désormais bien davantage sur une conception foncièrement impériale de la « place » que la France se devrait d’occuper sur le continent : un atavisme colonial ancré profondément dans la société française et chez ses responsables politiques. Même si des prises de position soulignent régulièrement le « moteur de croissance » ou l’intérêt en termes d’emplois que représente l’Afrique pour les entreprises françaises [4], l’incapacité collective à imaginer « l’Afrique sans la France » reflète avant tout notre imaginaire colonial : c’est la manifestation concrète d’une culture commune imprégnée de notre histoire impérialiste.
D’un point de vue moins franco-centré, cette analyse chiffrée montre aussi la nécessité de renouveler des perspectives de lutte internationaliste contre le modèle capitaliste et néocolonial afin de faire émerger de nouvelles modalités économiques à même de respecter les souverainetés africaines.

Arthur Baron

Je soutiens Survie

[1Qui, faut-il le rappeler, a largement bâti sa fortune en Afrique. À lire : « Bolloré, de l’empire colonial à l’empire médiatique », Billets d’Afrique n°344 (février 2025).

[2Voir l’édito de notre numéro 344 (février 2025)

[3Voir le chapitre « La Françafrique prend la vague libérale » dans l’ouvrage collectif L’Empire qui ne veut pas mourir - Une histoire de la Françafrique (Seuil, 2021).

[4Un thème cher à Emmanuel Macron et ses ministres, mais en réalité développé depuis dix ans dans différents rapports officiels : « L’Afrique est notre avenir » (2013) de Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, « Un partenariat pour l’avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France » (2013) d’Hubert Védrine et Lionel Zinsou, « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance durable » (2014) de Jacques Attali, etc.

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