Survie

Assignation en justice visant les organisateurs du Salon du Bourget : le combat continue devant la cour de Cassation !

Publié le 16 juin 2025

"[P]rendre toutes les mesures en son pouvoir pour empêcher la promotion ou l’accueil d’entreprises, délégations ou intermédiaires susceptibles de participer à la perpétuation des crimes commis par Israël" dans les territoires palestiniens : c’est ce que les associations Stop Fuelling War, les Amis de la Terre France, Survie, l’Union juive française pour la paix (UJFP), et l’ONG palestinienne Al-Haq avaient demandé aux organisateurs du Salon international de l’armement du Bourget qui se tiendra du 16 au 22 juin 2025.

Suite au rejet par le tribunal judiciaire de Bobigny, les associations ont porté cette requête devant la Cour d’Appel de Paris. Cette dernière a de nouveau formulé une réponse négative. Une décision qui interroge sur l’état de droit en France face aux intérêts économiques des multinationales. La Cour d’appel estime que « les imputations relatives à la complicité et au recel de crimes de guerre et à la violation du droit à la dignité et du droit à la vie sont sans lien avec les obligations imposées dans le contrat quant au respect de la réglementation et du droit ». Les entreprises de droit privé ne devraient en aucun cas être placées au-dessus des lois — en particulier de celles qui prohibent toute complicité dans les crimes internationaux les plus graves.

Ce nouveau rejet ignore ainsi ce qui ne fait aucun doute : la vente des armes et composants provenant de multinationales du monde entier sont la condition première à la perpétration de crimes dans le cadre de conflits armés dont le nombre de victimes ne cesse d’augmenter.

En niant la dimension complice des relations économiques qui pourraient se nouer au sein du Salon, la justice française permet à la société organisatrice, le SIAE, d’offrir une tribune et une visibilité commerciale aux personnes privées et aux sociétés qui se rendent co-autrices des crimes internationaux les plus graves (crimes de guerre, crimes ocntre l’humanité et Génocide). Cette promotion depuis des mois sur le site du salon constitue un renforcement économique crucial de ces entités et par là, une assistance majeure aux crimes. De plus, l’accueil au salon permet la signature de contrats faramineux : l’édition de 2023 a généré 150 milliards d’euros de vente [1]

L’argumentaire déployé par la partie adverse, à qui les juges avaient décidé de donner raison , mobilise la notion d’ « acte de gouvernement ». Les ventes d’armes réalisées sur le sol français seraient trop intimement liées à la "conduite des relations internationales de la France" domaine réservé à l’exécutif. Cette interprétation excessivement large de la notion d’acte de gouvernement empêche toute possibilité de contrôle juridictionnel sur les questions d’armement. Elle écarte ainsi le justiciable de son droit à interpeller l’État sur ces enjeux, tout en occultant la responsabilité — partagée avec les États — d’acteurs privés tels que le salon du Bourget ou les multinationales de l’armement, dans la perpétuation de ces crimes.

Les enjeux liés à l’armement nous engagent collectivement, au nom de la dignité humaine. Il est d’autant plus légitime de s’en saisir que l’État choisit d’orienter l’argent des contribuables vers le profit des industries de l’armement, plutôt que de répondre aux besoins fondamentaux à travers des services publics renforcés.

Mais tout n’est pas perdu. Face à l’urgence de la situation en Palestine — reconnue par la Cour internationale de Justice et de nombreux experts comme un génocide plausible en cours — et alors que le nombre de victimes continue d’augmenter, nous sommes déterminé·es à mobiliser toutes les voies de recours offertes par le droit français, pour défendre les droits et la dignité du peuple palestinien, et soumettre les entreprises de l’armement à l’autorité de la loi. Nous avons déposé un "pourvoi en cassation" pour accéder à la Cour Suprême de France.

Nous avons besoin de vous pour continuer cette action en justice et tenter de changer cet état de droit injuste : https://tinyurl.com/237saf5n.

Une autre action en justice avait été engagée pour contester le soutien économique apporté par le salon du Bourget à des entreprises impliquées, de manière indirecte, dans des crimes internationaux commis en Ukraine et au Soudan — deux crises humanitaires d’une gravité extrême, également nourries par les multinationales de l’armement, que les associations ne cessent de dénoncer. Faute de moyens suffisants et face aux risques financiers élevés, cette procédure a malheureusement dû être abandonnée.

La justice nous condamne à verser 9 000 euros à la SIAE — une décision d’autant plus inéquitable que cette structure affiche un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros, tandis que nos associations, souvent en déficit, peinent à survivre financièrement. Un tel déséquilibre ne peut qu’avoir un effet dissuasif sur les justiciables, en les décourageant d’exercer leur droit fondamental d’ester en justice.

En résonance avec le contexte de mobilisation croissante contre l’inaction des autorités françaises face au génocide en cours à Gaza [2], cette action est menée avec la coordination des recherches et de la stratégie juridique par le collectif Droit & Mouvements Sociaux (DMS) et avec le soutien dans leur démarche de la coalition Guerre à la guerre.

Selon i24, à la veille de l’ouverture du Salon du Bourget, les organisateurs, sur demande du gouvernement français, ont exigé le retrait de plusieurs armements offensifs exposés par Israël ; en refusant, la délégation israélienne a vu ses stands isolés par une cloison noire installée pendant la nuit par les organisateurs sur leurs stand. Il semble que le gouvernement français veuille se prévenir des risques de poursuites judiciaires pour complicité des crimes d’Israël qu’encourent son gouvernement et l’organisateur du salon, dont nous ne cessons de le prévenir depuis des mois par nos recours juridiques.

Or, cette mesure purement esthétique ne réduit en rien les risques, puisque les armes restent exposées derrière la cloison noire. Par ailleurs, interdire certaines armes revient à méconnaître à la fois le droit et la réalité des conflits armés : promouvoir et accueillir des entités — entreprises ou délégations israéliennes ou d’autres nationalités — qui soutiennent Israël, quelle que soit la forme de ce soutien (livraison de composants dits « défensifs » ou exportations), contribue à les renforcer de manière significative et constitue dès lors une forme claire d’assistance à ses crimes.

Pour en savoir plus sur les perspectives à venir pour cette action en justice, nous vous convions à une conférence de presse le lundi 16 juin 2025 à 14h devant le Parc des expositions du Bourget. À cette conférence seront également présents les membres de la coalition Guerre à la Guerre et de la dynamique Stop Bourget qui préparent un grand week-end de mobilisation contre le salon les 20, 21 et 22 juin prochain.

Contacts presse :
Al-Haq, joel.alhaq@gmail.com
Droits et Mouvements Sociaux, Droitetmouvementssociaux@proton.me
Survie, contact@survie.org
Coalition guerre à la guerre (qui regroupe une vingtaine de collectifs dont les Soulèvements de la Terre, Stop Arming Israel France, Urgence Palestine, la Marche des Solidarités)
Dominique Cochain, avocate et cofondatrice d’Avocats pour la Justice au Proche Orient (AJPO) dcochain@cabinetcochain.fr