A l’occasion de la visite officielle en France du président burkinabé Blaise Compaoré, Survie dénonce le gage d’impunité qui lui est ainsi accordé par Nicolas Sarkozy et demande à ce dernier de conditionner les relations franco-burkinabé au respect des droits humains, à la lutte contre l’impunité et à l’organisation d’élections libres et transparentes.
Blaise Compaoré effectue actuellement une visite officielle en France, à quelques jours de l’ouverture de la 4ème édition des Journées économiques du Burkina Faso prévue du 20 au 24 novembre 2008. Il sera reçu au Palais de l’Elysée, le 19 novembre, par Nicolas Sarkozy.
Le chef de l’Etat français s’apprête ainsi, une fois encore, à renier la promesse faite au soir de son élection d’être un inlassable défenseur de la cause des droits de l’Homme et de la démocratie dans le monde, en particulier en Afrique. Rappelons que Blaise Compaoré a bâti son pouvoir et sa fortune colossale grâce à d’innombrables crimes, détournements et trafics.
Blaise Compaoré est arrivé à la tête du Burkina Faso suite l’assassinat de son prédécesseur Thomas Sankara en 1987. Le 26 août dernier, le sénateur libérien, Prince Johnson, a déclaré devant la Commission réconciliation et justice du Libéria, qu’il a lui-même participé au coup d’état de 1987. Il précise son propos sur RFI en indiquant l’avoir fait sur ordre de Blaise Compaoré avec la complicité d’Houphouët-Boigny, en échange de l’aide du Burkina et de la Libye pour faire tomber le président du Libéria Samuel Doe, au profit de Charles Taylor, avec les conséquences sanglantes que l’on sait [1]. Ces déclarations constituent un témoignage très grave, accréditant la thèse d’un complot international et sont à rapprocher d’autres témoignages et travaux qui mettent aussi en cause les réseaux françafricains. Depuis ce crime fondateur, on compte par dizaines le nombre d’opposants, d’anciens collaborateurs civils et militaires et de journalistes assassinés par le régime (les capitaines Henri Zongo et Jean Baqptiste Lingani, anciens leaders de la révolution en septembre 1989, Clément O. Ouédraogo, 3ème personnage de l’Etat, assassiné le 9 décembre 1990, Dabo Boukari, militant de l’Association Nationale des Etudiants du Burkina (ANEB), mort sous la torture en mai 1990, Norbert Zongo, fondateur du journal l’Indépendant, assassiné le 13 décembre 1998, pour avoir révélé la nature criminelle du régime Compaoré dans ses enquêtes, etc.) [2].
La longue série de ces crimes dépasse aussi les frontières du pays. Aux côtés des anciens seigneurs de guerre Jonas Savimbi, Charles Taylor et Fodé Sankoh, le régime de Blaise Compaoré a participé à la déstabilisation de la région qui a abouti aux effroyables guerres libérienne et sierra-leonnaise. « Le résultat de cet exercice criminel a été le meurtre, le viol et la mutilation de 500.000 personnes en Sierra Leone et de près de 600.000 au Liberia » affirmait M. Crane ancien procureur du Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone (TSSL) [3]. A cette occasion, le Burkina de Blaise Compaoré s’est gravement compromis dans le pillage des ressources naturelles (les « diamants du sang »), le trafic d’armes et l’appui à des groupes armés en Angola [4], au Libéria et en Sierra Léone. Plus récemment, l’ONU et des ONG de défense des droits humains ont établi la co-responsabilité du pouvoir de Ouagadougou dans le développement de divers trafics mafieux en Côte d’Ivoire.
Au regard des nombreux crimes dont est comptable Blaise Compaoré et dont il devrait aujourd’hui répondre devant la Cour pénale internationale, Survie :
– dénonce la caution politique qu’apporte Nicolas Sarkozy au régime de Blaise Compaoré en recevant ce dernier à l’Elysée,
– exige des pouvoirs publics français qu’ils conditionnent leur coopération avec le régime burkinabé au respect des droits humains, à la lutte contre l’impunité et à l’organisation d’élections libres et transparentes,
– demande la déclassification des documents « secret défense » concernant les agissements de la France au Burkina Faso et en Afrique de l’ouest afin que toute la lumière soit faite sur une éventuelle complicité de la France dans l’assassinat de Thomas Sankara,
– soutient le combat des démocrates burkinabé qui exigent la vérité et la justice pour Thomas Sankara, Norbert Zongo, Dabo Boukari et toutes les autres victimes du régime Compaoré,
– Salue les nombreuses mobilisations en cours au Burkina, en France et dans le monde dans le cadre de la commémoration, le 13 décembre prochain, du 10ème anniversaire de l’assassinat de Norbert Zongo et ses amis,
[1] Lire sur le sujet : http://billetsdafrique.survie.org/Compaoraison-funebre
[2] Voir le rapport sur les crimes impunis de 1960 à nos jours sur http://www.thomassankara.net/article.php3?id_article=0056
[3] United States Department of State (Washington, DC) 11 avril 2006 http://fr.allafrica.com/stories/200604120042.html
[4] Voir le rapport de l’ONU http://www.un.org/News/dh/latest/angolareport_fr.htm