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La France doit condamner la vague d’arrestations politiques au Cameroun

Publié le 16 septembre 2015 - Survie

Depuis mardi, les autorités camerounaises ont procédé à l’arrestation de neuf personnes dont le seul tort semble d’avoir demandé qu’une alternance politique soit possible à la prochaine élection présidentielle, pourtant prévue seulement en 2018. Six d’entre elles se sont vues notifier une "garde à vue administrative" de 15 jours renouvelables au motif "défi de la loi sur la mobilisation publique". La diplomatie française, qui ne cesse de renouveler son soutien à l’État camerounais au nom de la lutte contre le terrorisme, doit condamner ces arrestations politiques.

L’atelier de lancement au Cameroun de la campagne internationale « Tournons la Page », qui se déroulait les 14 et 15 septembre au Palais des Congrès de Yaoundé sur le thème "Gouvernance électorale et alternance démocratique", a été brutalement interrompu mardi par la police [1]. Six personnes (dont un journaliste) ont été arrêtées, et se sont vues notifier ce mercredi une « garde à vue administrative » de 15 jours renouvelables, au motif de « défi de la loi sur la mobilisation publique en réunissant une soixantaine de trublions acquis à leur cause ». L’atelier, organisé par le réseau d’ONG national Dynamique Citoyenne, avait lieu dans une salle louée pour l’occasion et n’était donc pas une mobilisation publique ; quant à la « garde à vue administrative », celle-ci est normalement prévue dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme, mais déjà utilisée de façon extensive par les autorités camerounaises par le passé pour museler les critiques vis-à-vis des autorités [2].

Ce mercredi 16 septembre, la police a interpellé 3 autres militants de Dynamique Citoyenne, qui sont également toujours retenus. Les autorités n’entendent donc pas reculer dans ce bâillonnement de contre-pouvoirs citoyens et non-violents. Cette vague d’arrestations intervient juste après la libération et le retour en France de Claude Linjuom Mbowu. Ce ressortissant camerounais en doctorat à l’université Paris 1 avait été arrêté le 6 septembre à son retour de l’Extrême-Nord, au prétexte de mesures sécuritaires contre Boko Haram ; mais son passé militant dans un syndicat étudiant camerounais fait de cette arrestation une affaire très politique [3].

Pour Thomas Noirot, de l’association Survie, « ces arrestations politiques interviennent à peine plus de deux mois après la visite au Cameroun de François Hollande, lors de laquelle la situation de certains prisonniers politiques a été évoquée. Mais la défense des droits humains ne peut pas avoir deux poids deux mesures, sous prétexte de ne pas heurter un dictateur en place depuis presque 33 ans, une longévité au pouvoir qu’il doit justement à la France !  » [4].

L’association Survie attend que la diplomatie française condamne publiquement ces arrestations politiques, et cesse enfin de tolérer des violations des droits élémentaires au prétexte de préserver ses intérêts.

[2[2] Le magistrat Edouard Kitio écrivait ainsi en 1997 : "la garde à vue administrative a toujours constitué pour les autorités administratives une arme redoutable pour punir tous ceux qui tentent d’enfreindre leurs règlements. Le motif de garde à vue est souvent loin de cadrer avec les préoccupations du législateur. Ainsi l’outrage à l’autorité administrative entraîne la garde à vue administrative. L’outrage au chef de l’Etat, les manifestations collectives de mécontentement, même non accompagnées d’actes de violence ainsi que le refus d’exécuter un ordre verbal d’une autorité administrative (...) sont susceptibles d’entraîner la garde a vue administrative", « La garde à vue administrative pour grand banditisme et respect des droits de l’homme au Cameroun », Juridis Info n°30, Avril-mai-juin 1997, pp. 47-56

[4[4] Pour une analyse des relations franco-camerounaises au moment de la visite de François Hollande, voir le dossier publié le 1er juillet par l’association Survie

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