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Le Congo-Brazzaville ouvre la nouvelle série de scrutins de pacotille organisés par des dictatures soutenues par la France

Publié le 19 mars 2021 - Survie

Alors que la diplomatie française ne se remet toujours pas de l’explosion du sentiment « anti-français » qui a embrasé le Sénégal il y a quelques jours, Paris s’apprête-t-elle à avaliser des élections fantoches organisées par certains des régimes les plus caricaturaux de son ancien pré carré ? Tout l’indique pour les scrutins en préparation au Tchad et à Djibouti en avril, et dès ce dimanche au Congo Brazzaville. Survie rappelle que le soutien de l’État français à ces dictatures alimente le sentiment « anti-français » sur le continent africain.

Ce dimanche 21 mars au Congo-Brazzaville, le dictateur-candidat Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 1979 [1], se présente à une élection présidentielle qui semble jouée d’avance. La campagne électorale a été une nouvelle fois rythmée par les arrestations d’opposants et de défenseurs des droits de l’homme. Dernier en date, jeudi 11 mars dernier, Alexandre Ibacka Dzabana, coordonnateur de la Plateforme congolaise des ONG des droits humains et de la démocratie, membre de la coalition Tournons La Page Congo, qui a été arrêté à son domicile, à Brazzaville [2]. Poil à gratter du régime congolais, cette coalition d’ONG milite pour la transparence du scrutin en sensibilisant les citoyens sur les enjeux du vote et en formant des observateurs électoraux. Si la diplomatie française demeure discrète sur ce contexte électoral, c’est que le régime de Denis Sassou Nguesso peut compter sur le soutien sans faille de Paris.

Celui-ci se matérialise notamment par une étroite coopération militaire, maintenue malgré la grossière modification de la constitution permettant depuis 2015 à Sassou Nguesso de rester au pouvoir sans limitation de mandats, et la répression sanglante des manifestations populaires s’opposant à ce projet. En 2017, la France se targuait par exemple de disposer d’un « conseiller spécial » auprès du ministre de la Défense [3]. Pas plus tard que le mois dernier, les autorités françaises indiquaient fournir un « appui au commandement et à l’organisation interarmées, en fournissant conseil et ingénierie de formation aux plus hauts niveaux de l’état-major général (CEMG) » congolais, et de former « plusieurs dizaines d’hommes et de femmes de la Force publique congolaise » [4].

Par ailleurs, dans un pays quasiment en cessation de paiement, le soutien économique de la France reste déterminant pour le maintien au pouvoir de Sassou Nguesso. La France est ainsi un des principaux investisseurs au Congo et se targue d’être le premier donateur d’aide publique au développement bilatérale [5]. Dans le même temps, l’exploitation pétrolière bat son plein : il y a dix-huit mois, le pays annonçait la découverte d’un gisement onshore qui pourrait faire quadrupler la production nationale, assurer de juteux bénéfices à Total, déjà à la fête dans le pays, et fournir de nouvelles ressources à la présidence à vie de Sassou Nguesso.

Pour Patrice Garesio, co-président de l’association Survie, « tant que la France apportera son soutien à de tels régimes à travers une étroite coopération militaire, policière et économique, il ne faut pas s’étonner de voir fleurir un peu partout un ‘’sentiment anti-français’’. Il s’agit en réalité d’un légitime rejet de la Françafrique, conforté par la politique actuelle d’Emmanuel Macron et de son gouvernement »

Contact : Mehdi Derradji, Chargé de la communication et des relations extérieures de Survie (+33 6 52 21 15 61) communication@survie.org

[1Hormis un intermède de cinq ans entre 1992 et 1997, clôturé par un coup d’État et une guerre civile.

[2Les motifs de son arrestation ne sont pas connus et il n’a pu avoir accès à son avocat. Voir le communiqué rédigé par un collectif d’ONG de défense des droits de l’homme réclamant sa libération : https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/170321/congo-demande-de-liberation-du-dr-alexandre-ibacka-dzabana

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