Survie

Omar Bongo et la Françafrique reprennent leurs vieilles habitudes à l’Elysée

Publié le 24 mai 2007 - Survie

Communiqué Survie :

Lors de sa campagne électorale, notamment à l’occasion d’un déplacement au Bénin en mai 2006, Nicolas Sarkozy a promis de « refonder la politique africaine de la France sur des relations transparentes et officielles entre pays démocratiques », de « tourner la page des complaisances, des secrets, des ambigüités » et de « cesser de traiter indistinctement avec des démocraties et des dictatures ».
Nous venons pourtant d’apprendre que le premier chef d’Etat étranger invité à rencontrer le nouveau président français à l’Elysée sera Omar Bongo Ondimba, le tyran qui tient le Gabon sous sa botte depuis plus de 40 ans sous les applaudissements hexagonaux.
De deux choses l’une - ou Monsieur Sarkozy trahit là ses promesses, ou il n’est pas conscient
qu’Omar Bongo est un dictateur. La deuxième hypothèse étant peu crédible, il nous faut constater que notre président vient, en connaissance de cause, de rater une occasion de prendre ses distances avec une politique française faite depuis plus de 45 ans de néocolonialisme et de paternalisme.
Cette visite est un déni de justice, une manifestation d’indifférence morale à l’égard des démocrates gabonais, dont le découragement devant l’indécence française est plus que compréhensible.

Nicolas Sarkozy n’en est pas à son premier faux pas. Peu après ses déclarations faites au Bénin en mai 2006, le candidat Sarkozy avouait au journal Jeune Afrique [1] ses liens d’amitié avec quelques présidents africains parmi lesquels deux dictateurs notoires, Omar Bongo et le Congolais Denis Sassou Nguesso. Si le candidat affirmait alors qu’il n’avait pas l’intention de mélanger amitié personnelle et amitié officielle, les partisans d’une politique de la France en Afrique responsable et transparente [2], en mars dernier, s’étaient indignés de voir Omar Bongo recevoir Nicolas Sarkozy dans son somptueux hôtel particulier du 16ème arrondissement de Paris en pleine campagne électorale [3].
Le président gabonais a été également une des premières personnalités à recevoir un appel téléphonique de Nicolas Sarkozy le soir de la proclamation des résultats du deuxième tour de l’élection présidentielle. Un coup de fil dont Omar Bongo s’est vanté quelques jours plus tard à l’antenne de RFI, évoquant un appel de « remerciement » tout en restant évasif sur le type de soutien apporté au candidat de l’UMP qui aurait rendu celui-ci redevable vis-à-vis du « sage gabonais » [4]. Un comble pour un candidat qui a déclaré en 2006 que la France n’avait (économiquement) « pas besoin de l’Afrique ».

La « Françafrique » dont Omar Bongo (intronisé en 1967 par Jacques Foccart, l’homme de l’ombre du Général De Gaulle) est une des figures de proue et qui a connu de si belles heures sous les règnes des présidents français successifs vient-elle de trouver son nouveau guide en la personne de Nicolas Sarkozy ? Si l’on se fie aux liens d’amitié de ce dernier avec les présidents gabonais et congolais (et d’autres...) mais aussi avec certains chefs d’entreprises ayant des intérêts considérables en Afrique (Bouygues, Bolloré) on peut difficilement être rassuré sur ce point [5].

Téléchargez le communiqué :

Rassemblement de protestation - Esplanade des invalides à Paris - vendredi 25 mai

Pour protester contre l’accueil par Nicolas Sarkozy du dictateur gabonais Omar Bongo, une trentaine de manifestants se sont réunis vendredi 25 mai à
17h sur l’esplanade des Invalides à Paris, à quelques mètres à peine du Ministère des Affaires Etrangères et de l’Assemblée Nationale. En choisissant ces lieux symboliques ils entendaient exprimer leur souhait de
voir la politique de la France en Afrique sortir de son pré-carré élyséen et s’inscrire dans un cadre plus transparent et sous un contrôle parlementaire
accru.

En se réunisant sous les fenêtres du Quai d’Orsay ils entendaient également interpeller le nouveau ministre des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner
sur la politique menée par son président qui, tout en promettant la "rupture" avec certaines pratiques du passé, a donné pendant sa campagne et depuis son élection plusieurs signes de complaisance avec les réseaux
politiques et économiques de la "Françafrique".
Les manifestants, parmi lesquels se trouvaient de nombreux membres de l’association Survie, ont mis en scène de façon théâtrale la rencontre entre un faux Nicolas Sarkozy et un faux Omar Bongo se remettant une valise de
billets. Parmi les slogans on pouvait entendre "A bas la françafrique, à bas la pompe à Fric, nous soutenons les peuples africains" ou "Sarko, elu avec l’argent de Bongo, Bongo maintenu avec l’argent de Sarko !?"

[1Jeune Afrique, novembre 2006

[2Rassemblées en janvier 2007 à Nairobi à l’occasion du Forum Social Mondial, puis en février à Paris et Cannes à l’occasion du « contre-sommet » citoyen France-Afrique, des dizaines d’organisations de la société civile françaises et africaines ont plaidé pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente. Une fiche de revendications a été adressée à l’ensemble des candidats à la présidentielle par la campagne par la campagne « 2007 : Etat d’urgence planétaire, votons pour une France solidaire »
voir http://www.survie-france.org/article.php3?id_article=559

[3Ce bien est notamment visé par la plainte pour « recel de détournement de biens publics » déposée le 27 mars 2007 par Survie, Sherpa et la Fédération des Congolais de la Diaspora auprès du TGI de Paris.
Voir sur le site de Survie la « lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, François Bayrou... » du 9 avril 2007

[4« sage africain » : expression employée par les présidents français pour désigner les dictateurs africains au pouvoir depuis plus longtemps qu’eux

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