Darfour : un génocide en puissance

De nombreux rapports d’ONG ont documenté l’étendue et l’atrocité des exactions commises à l’encontre de civils dans la région du Darfour. Dans son dernier rapport, Human Rights Watch [1] qualifie l’action conjointe de l’armée soudanaise et des milices Jenjawid de « nettoyage ethnique » ; Physicians for Human Rights (PHR) a rassemblé lors d’une mission au Tchad des témoignages qui traduisent « des indicateurs de génocide [2] ». Au-delà des débats sémantiques, tout le monde s’accorde à décrire la situation comme extrêmement critique, une situation qui, en l’absence d’une intervention internationale d’urgence, se dirige vers une dégradation catastrophique. Car si la saison des pluies rend les pistes impraticables pour tout convoi humanitaire, elle n’entrave en rien les agissements des cavaliers armés [3]...

Comme le soulignait le secrétaire d’État américain [4]]cette crise n’est pas qu’humanitaire : elle est avant tout sécuritaire. David Nabarro, de l’OMS [5], indique ainsi que « les besoins de l’opération en terme de logistique sont bien au-delà des ressources onusiennes », tout en appelant à une force internationale de maintien de la paix. Sous pression de la communauté internationale, le chef de l’État soudanais, le général El Bechir, a promis de désarmer les Jenjawids et de lever toute restriction à l’aide humanitaire, mais cette déclaration n’a encore été suivie d’aucun effet sur le terrain. Au contraire, les déplacés internes, estimés à 1,2 millions de personnes, sont otages de leurs tortionnaires dans des camps sommaires - des tortionnaires qui continuent en toute impunité leurs assassinats, viols et mutilations. Au lieu de faciliter l’action des organisations humanitaires présentes sur place, le gouvernement impose un strict contrôle de leurs déplacements et communications, et filtre de facto les réfugiés ayant accès aux soins.

Félix Katz