Alors qu’une répression meutrière vient à nouveau de s’abattre sur le mouvement populaire togolais, l’association Survie appelle la France à condamner ces violences et à prendre des mesures concrètes contre ce régime, qu’elle soutient notamment par sa coopération policière et militaire.
Alors que les Burkinabè fêteront dans quelques jours le 3ème anniversaire de la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue le 31 octobre 2014, c’est depuis plusieurs semaine que la jeunesse du Togo entend se débarrasser de son dictateur. En dépit de stratégies mises en place par le régime pour briser le mouvement comme l’interdiction de manifester les jours ouvrés, des mobilisations ont encore eu lieu ce mercredi dans tout le pays, entraînant une violente répression et plusieurs morts. Le bilan est une fois de plus impossible à établir pour le moment mais il est d’ores et déjà connu que la police et l’armée togolaises ont agi de manière extrêmement brutale : aidés de miliciens, les forces de l’ordre ont pourchassé, tabassé et arrêté des suspects. Ils ont vraisemblablement tiré à balles réelles sur des manifestants. Si elle ne réagissent pas rapidement, les autorités françaises porteront une responsabilité particulière. Elles cautionneront, une fois de plus et à double titre, ces graves violations des droits humains. Au silence complice s’ajoute un soutien opérationnel et politique aux forces de l’ordre qui répriment aujourd’hui un mouvement populaire inédit dans ce pays.
Pour Thomas Borrel, porte-parole de l’association Survie, « la France risque de reproduire la même faute historique qu’en 2014 au Burkina Faso, où la diplomatie s’était tue jusqu’à la chute de Compaoré et où l’armée française avait discrètement exfiltré le dictateur déchu. Ce qu’attendent les Togolais, et avec eux les Français soucieux de démocratie et des droits humains, c’est que la France dénonce publiquement ce régime criminel et prenne des sanctions immédiates, comme la suspension de sa coopération policière et militaire et le gel des avoirs des caciques du régime ».
La France, au travers de la Direction de la Coopération Internationale du ministère de l’Intérieur [1] et de la Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense du ministère des Affaires étrangères [2], détache des coopérants policiers et militaires aux sein des prétendues « forces de sécurité » [3] qui se rendent en ce moment coupables de graves violations des droits humains.
L’association Survie appelle la France à envoyer un message de désaveu du régime en suspendant sa coopération policière et militaire et en prenant des sanctions contre le régime togolais (gel des avoirs, interdiction de séjourner en France, etc.).
[1] La DCI du ministère de l’Intérieur, créée en 2010, a remplacé le S.C.T.I.P (service de coopération technique international de la police) du même ministère et la S/DCI (sous-direction de la coopération internationale de la gendarmerie nationale) du ministère de la Défense.
[2] La DSCD est une des directions de la direction générale des affaires politiques du MAE, mais son pilotage associe les ministères de la Défense et de l’Intérieur.
[3] La DCI et la DSCD ne communiquent pas sur le nombre de coopérants détachés dans chaque pays. La dernière information rendue publique à ce sujet vient d’un rapport parlementaire, qui précisait : « La République du Togo figure parmi nos priorités puisqu’elle se situe au 3e rang de nos partenaires, avec 3,6 millions d’euros en 2011 » ; à l’époque, selon la même source, 14 coopérants militaires permanents français était mis à disposition de l’armée togolaise, à Lomé et à Kara, sans qu’on sache le détail et les niveaux hiérarchiques. En 2010, un lieutenant-colonel français avait été filmé en train de menacer un journaliste togolais et en se vantant d’être « le conseiller du chef d’état-major de l’armée de terre » (voir « Coopération sécuritaire avec un régime criminel », Billets d’Afrique n°245, avril 2015)