Dans 10 jours aura lieu l’élection présidentielle au Togo, petit pays emblématique de la Françafrique. Afin d’alerter l’opinion publique et d’exiger des autorités françaises une condamnation sans équivoque du régime togolais, arrivé et maintenu au pouvoir par la force et la fraude, l’association Survie publie un dossier hors-série de son journal Billets d’Afrique consacré aux relations France-Togo.
Scrutin à un tour, non limitation des mandats, appareil sécuritaire bien en place, impunité, tous les ingrédients sont réunis pour un nouveau hold-up électoral au Togo. La population togolaise, excédée par l’incurie des pouvoirs publics, est-elle condamnée à rester prisonnière du clan Eyadema ? Installé et soutenu politiquement, économiquement et militairement par la France depuis près de 50 ans, ce régime a à son actif des décennies de répression féroce et a fait du Togo un des pays les plus pauvres du monde. A la mort du dictateur Eyadéma père, la tentative de donner un vernis démocratique à la prise de pouvoir par son fils Faure Gnassingbé s’était soldée par un bilan catastrophique lors d’une pseudo-élection, il y a 10 ans presque jour pour jour, où l’armée était notamment intervenue violemment dans les bureaux de vote pour voler les urnes : les violences du régime, avec des tirs à balles réelles sur la foule, avaient fait 500 à 800 morts, et provoqué l’exode de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés.
L’impunité dont jouissent les responsables militaires togolais n’empêche pas la France, toujours liée au Togo par un accord de défense renouvelé en 2011, de maintenir sa coopération sécuritaire : les derniers chiffres disponibles indiquent que 14 coopérants militaires français étaient encore détachés au sein de l’armée togolaise en 2011 [1], et aucune réduction n’a été annoncée par l’exécutif socialiste depuis 2012. En novembre 2013, Faure Gnassingbé était reçu à l’Élysée par un François Hollande vantant l’engagement du Togo aux côtés de la France au Mali et la coopération économique entre les deux pays, sans évoquer les actes de répression commis au Togo cette même année. Un an plus tard, Vincent Bolloré inaugurait le troisième quai du port autonome de Lomé, un chantier pharaonique obtenu par son groupe avec l’appui diplomatique des autorités françaises. Loin de tirer les leçons de la récente insurrection burkinabè qui a renversé l’allié de toujours Blaise Compaoré, et à l’opposé des déclarations de « normalisation » des relations franco-africaines, les autorités françaises se compromettent à nouveau par leur complicité avec une dictature notoire.
Les discours tenus par François Hollande lors du dernier sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), à Dakar fin novembre 2014, semblent également en parfait décalage avec le silence actuel de la diplomatie française sur les conditions de préparation de cette mascarade électorale, à laquelle participent des experts de l’OIF à la demande du régime.
Comme le rappelle Fabrice Tarrit, président de Survie, « à l’exception de l’Algérie en 2014, le Togo est le premier pays du champ françafricain, depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, à organiser une parodie d’élection. Celle-ci va avoir lieu dans un contexte social particulièrement tendu et alors que la contestation gronde également au Gabon, au Tchad, dans les deux Congos. Si François Hollande voulait tenir son engagement concernant la Françafrique, il gèlerait immédiatement la coopération militaire avec ces régimes, à commencer par le Togo, et refuserait de recevoir à l’Élysée des chefs d’État qui se maintiennent au pouvoir par la force ».
Afin d’alerter l’opinion publique et d’interpeller les autorités françaises et européennes sur cette sinistre farce en préparation, l’association Survie publie en ligne un dossier hors-série de son journal Billets d’Afrique intitulé « Le Togo à nouveau entre violence et mascarade électorale ». Dans le prolongement des ouvrages déjà publiés par l’association [2], ce dossier revient sur le règne du général Eyadéma et, à sa mort, sur les conditions d’accès au pouvoir de son fils Faure Gnassingbé. Il offre un décryptage de la situation politique actuelle au Togo et fait le point sur l’impunité dans le pays et la coopération sécuritaire de la France.
A cette occasion, l’association Survie demande aux autorités françaises :
[1] Avis présenté le 30 mars 2011 par le député Christophe Guilloteau au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi (N° 3196), adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense (http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3291.asp )
En 2010, l’un de ces coopérants militaires français avait provoqué un scandale par son attitude vis-à-vis d’un journaliste togolais (la vidéo est toujours en ligne sur https://www.youtube.com/watch?v=wcVvyhgu_2M). Le fait qu’il soit alors conseiller du Chef d’état-major de l’armée de terre togolaise n’avait en revanche pas choqué, comme s’il était normal que les coopérants français occupent des fonctions très haut placées dans l’organigramme de l’appareil répressif des dictatures africaines.
[2] Voir notamment Survie (coord.) Avril 2005, le choix volé des Togolais (L’Harmattan, 2005), et G. Labarthe, Togo, de l’esclavage au libéralisme mafieux, Dossier Noir n° 20 (Agone, 2005 ; édition revue & actualisée, 2013)