27 juin 1996 - 27 juin 2006
10 ans après l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) et à quelques jours du G8 en Russie Des ONG et syndicats remettent à Jacques Chirac un Rapport qui demande aux pays riches d’annuler véritablement la dette « odieuse » et insupportable des pays en développement.
Le 27 juin 2006, à l’occasion d’une réunion de préparation du G8 qui se tiendra mi-juillet en Russie, la plate-forme Dette & Développement remet au président de la République son Rapport 2005-2006, « La Loi des créanciers contre les droits des citoyens ».
Ce document très argumenté (120 pages) démontre que l’initiative PPTE n’a atteint son objectif, rendre la dette supportable [1], dans aucun des trop rares pays bénéficiaires. C’est pourquoi les pays du G8 leur ont accordé en 2005 des allègements supplémentaires. Mais pour la plate-forme Dette & Développement, ils ne peuvent pas en rester là.
• L’accord de 2005 porte sur 50 milliards de dollars de dette, alors qu’il faudrait annuler 500 milliards de dollars pour que les pays du Sud puissent espérer atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement [2].
• « La dette des pays du Sud a, pour l’essentiel, été contractée par des dictateurs qui (...) ont bénéficié du soutien des pays qui aujourd’hui touchent le remboursement de la dette » [3]. La France et les pays riches doivent reconnaître leurs responsabilités en annulant les dettes « odieuses » et faire la lumière sur les créances passées et leurs bénéficiaires.
• En 2005, les pays du G8 se sont engagés à ce que les pays du Sud « décident et conduisent leurs propres politiques économiques ». Ils doivent aujourd’hui cesser de conditionner, à travers le FMI et la Banque mondiale, les remises de dettes à la mise en œuvre d’un modèle économique unique, aux conséquences souvent désastreuses pour les plus pauvres.
• Le système international de gestion de la dette est à la fois inefficace, car incapable de prévenir le réendettement des pays pauvres, et arbitraire car aux mains des seuls créanciers. Il est temps d’élaborer des règles du jeu équitables, transparentes et qui s’imposent à tous dans le cadre d’un tribunal international de la dette.
La Loi des créanciers contre les droits des citoyens comporte sept chapitres : un bilan de l’initiative PPTE (1), un décryptage de l’accord de 2005 sur la dette multilatérale (2), des analyses portant sur la « viabilité » de la dette (3), les conditions associées à l’allègement (4), le dispositif français de contrat désendettement développement (5), la dette odieuse (6) les événements marquants des dernières années (7). Les principales recommandations sont synthétisées pp. 9-12.
Communiqué publié par la Plateforme Dette et développement.
Voir la liste des Organisations membres de la Plateforme (dont Survie)
Contact : dette(at)ccfd.asso.fr
Téléchargez le Rapport "La loi des créanciers contre le droit des citoyens" (120 pages) :
En 120 pages, ce rapport fait un bilan précis des initiatives prises par le G8, depuis 10 ans, concernant la dette des pays en développement et formule un ensemble de propositions.
Voir les principales recommandations :
2006 est l’année de tous les anniversaires pour la dette des pays du Sud. C’est aussi l’heure des bilans.
Le 14 juin, le Club de Paris a célébré à Bercy, au ministère français des Finances, son cinquantième anniversaire. A lui seul, ce regroupement informel des 19 principaux pays créditeurs[1] personnifie l’arbitraire qui préside à la gestion de la dette internationale. Capable d’alléger de 80% la dette de l’Irak en 2004 pour des raisons politiques et économiques, il se refuse en revanche à alléger la dette des Philippines, pourtant contractée sous Marcos avec le soutien occidental et qui handicape aujourd’hui lourdement le développement du pays. Il n’envisage pas plus d’annuler celle du Kenya, dont le remboursement absorbe 40 % du budget, dans un pays où l’espérance de vie recule depuis plus de 10 ans. Aucun critère objectif ne justifie ces différences de traitement.
En réalité, la gestion internationale de la dette répond à la définition même d’un système arbitraire, qui « dépend du bon plaisir », selon le Petit Robert. En l’espèce, ce sont les créanciers, juges et parties qui, au gré de leurs intérêts, décident si la dette est supportable ou non pour leurs débiteurs, si le contrat d’endettement est vicié ou non, si les circonstances exigent ou non un réaménagement de la dette. Ce système est contraire aux principes fondamentaux de la justice, tels qu’ils sont définis dans le Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948[2].
Le contrôle par les pays riches du processus de décision s’étend au-delà du Club de Paris, notamment au G8, ainsi qu’au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, dont ils sont les principaux actionnaires. Cette mainmise des créanciers explique le fait que les solutions offertes, jusqu’à présent, soient loin d’être à la hauteur de l’enjeu que soulève le scandale de la dette des pays du Sud.
Le 27 juin marque le dixième anniversaire de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE), lancée au G7 de Lyon en 1996. Celle-ci devait permettre aux « pays pauvres lourdement endettés (...) de régler définitivement les situations d’endettement non soutenable ». Malgré son renforcement en 1999, sous la pression citoyenne, l’initiative échoue. La dette des trop rares pays concernés reste financièrement insoutenable et humainement insupportable. Le FMI et la Banque mondiale se servent de la carotte de l’annulation pour continuer d’imposer à coups de bâtons un modèle économique dont les peuples du Sud ne veulent pas.
Le 8 juillet, ce sera le premier anniversaire du G8 de Gleneagles (Ecosse). Rien ne démontre mieux l’échec de l’initiative PPTE (qui visait à rendre la dette supportable) que la décision prise, à cette occasion, d’annuler les 50 milliards de dollars dus par les pays pauvres très endettés au FMI, à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement. Cette nouvelle initiative brise quelques tabous, en annulant la dette au-delà des impératifs de « soutenabilité » tels qu’ils sont définis par le FMI et la Banque mondiale. Elle ne saurait constituer qu’une étape vers l’annulation de toutes les dettes qui s’opposent à la satisfaction des droits fondamentaux, qui représentent entre 400 et 600 milliards de dollars.
Avec force communication autour de leurs initiatives d’allègement de la dette, les pays du G8 voudraient bien convaincre leur opinion publique que le problème est résolu. Or, personne n’est dupe. En octobre 2005, peu après les annonces de l’accord « historique » du G8, confirmé en septembre au FMI, 65% des Français estimaient encore que les pays riches ne faisaient pas suffisamment d’efforts pour alléger le poids de la dette des pays du Sud[3].
Les peuples du Nord, solidaires de ceux du Sud, ne sauraient tolérer de nouvelles mesures dilatoires de leurs gouvernements. Le problème de la dette doit être enfin pris à bras le corps par la communauté internationale. Annulation de toutes les dettes insupportables ou odieuses ; audit des dettes afin de faire la lumière sur les processus ayant mené au surendettement et de faire payer les responsables ; mise en place d’un droit international de la dette qui fasse primer les droits des citoyens sur la loi des créanciers : telles sont quelques-unes des mesures que ne cessera d’exiger la plate-forme Dette & Développement.
Si les pays riches ne le font pas par solidarité, qu’ils le fassent au moins dans leur intérêt bien compris. Comme le démontre un récent rapport de l’Institut d’Etudes Politiques de Washington, intitulé L’Effet boomerang[4], l’annulation de la dette des pays pauvres serait bénéfique pour l’emploi, l’environnement, la santé et la sécurité des Etats-Unis. Le raisonnement tient probablement aussi pour le Vieux Continent.
De plus, dans un monde sans règle, c’est la loi du plus fort qui l’emporte. En matière de dette, l’emprise des pays riches commence à être contestée : l’Argentine et le Brésil ont décidé fin 2005 d’anticiper leurs remboursements envers le FMI afin de se libérer de la tutelle exercée par ce dernier ; la Chine n’hésite pas à réendetter à tout va les pays les plus pauvres de la planète, surtout s’ils sont dotés de richesses naturelles ; certains créanciers privés poursuivent sans scrupule ces pays devant les tribunaux, pour obtenir le remboursement avec agios de créances rachetées au dixième de leur valeur.
En conséquence, l’élaboration de règles du jeu à l’endettement qui soient transparentes, équitables et contraignantes pour tous, relève de l’intérêt commun. Qu’elles soient conformes aux droits de citoyens relève de l’éthique. A nos dirigeants, en particulier, pour la France, celles et ceux qui se préparent pour assumer des responsabilités au gouvernement et à l’Assemblée nationale, de démontrer le sens de leur engagement politique.
En sept chapitres, « La Loi des créanciers contre les droits des citoyens » leur fournira une analyse critique des initiatives prises par le G8, par la France et par les institutions financières internationales et, surtout, des recommandations argumentées pour aller au-delà. Très fouillé, parfois technique mais toujours avec un souci de dégager une analyse politique conforme à nos convictions ainsi que des propositions alternatives, ce rapport est destiné en premier lieu aux décideurs politiques nationaux et internationaux, mais également aux fonctionnaires, aux universitaires et aux militants avertis.
Ce rapport est aussi le résultat d’un travail et d’un engagement constant, depuis une dizaine d’années, des associations et syndicats français en faveur d’une solution large, juste et durable à la dette des pays du Sud. La plate-forme Dette & Développement les réunit depuis cinq ans (voir son texte de référence en annexe). Le combat est ardu, nous continuerons à le mener aussi longtemps que nécessaire. Espérons seulement qu’il ne nous vaille pas la même longévité qu’au Club de Paris !
Paris, le 14 juin 2006 - Introduction du rapport par Jean Merckaert (CCFD, Coordinateur de la plate-forme Dette & Développement)
Sébastien Fourmy (Agir ici) et Jean Merckaert (CCFD)
« L’initiative PPTE fonctionne », titrait, en mars 2005, le ministère français des Finances dans un document préparatoire au G8 de Gleneagles (Royaume-Uni)[5]. Dix ans après le lancement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), la France est bien seule à en défendre aussi résolument le bilan. Les chefs d’Etat des sept pays les plus riches de la planète promettaient en 1996 aux « pays pauvres lourdement endettés (...) de régler définitivement les situations d’endettement non soutenable ». Or, l’initiative PPTE ne concerne qu’un nombre limité de pays « pauvres » ; elle n’a pas rendu leur dette supportable ; son impact sur la pauvreté est très mitigé et elle s’est avérée extrêmement lente à mettre en œuvre. Aujourd’hui, le constat d’échec de l’initiative PPTE est très largement partagé, y compris, à certains égards, par certains pays du G7 et les institutions de Bretton Woods. L’initiative d’un allègement supplémentaire de la dette multilatérale (IADM), prise par le G8 en 2005, est loin de tirer toutes les conséquences de l’échec de l’initiative PPTE. En effet, au-delà des problèmes spécifiquement liés à son périmètre et sa mise en œuvre, l’initiative PPTE met en exergue, par son échec, l’inefficacité d’un système de gestion arbitraire de l’endettement international incapable de tirer les leçons du passé.
Nayla Ajaltouni et Jean Merckaert (CCFD)
Il est abusif de qualifier d’« historique » l’accord du G8, comme beaucoup l’ont fait en emboîtant le pas du chancelier britannique Gordon Brown. Par certains aspects, l’accord est effectivement novateur, car il évoque le chiffre de 100% d’annulation pour certaines créances et il laisse entrevoir aux pays bénéficiaires un avenir libéré de certaines contraintes liées à cet endettement. Cependant, le vocable « historique » n’en demeure pas moins excessif, si l’on considère que l’accord ne porte que sur 3 % de la dette extérieure publique des 165 pays en développement et surtout, les institutions financières internationales n’ont pas complètement renoncé à exercer un droit de regard sur l’économie des pays concernés, qui ne sont pas certains d’en tirer des financements nouveaux.
Pour saisir la portée réelle de l’initiative d’annulation de la dette multilatérale (IADM), il convient de l’analyser au regard de l’initiative PPTE. Si elle semble s’inscrire dans son prolongement direct, concernant le nombre de pays et les conditions à suivre, elle pourrait en réalité marquer une rupture dans les objectifs poursuivis, reléguant l’approche restrictive de la soutenabilité au profit du principe d’une annulation totale, même appliqué partiellement. Toutefois, le gain financier pour les pays concernés reste très aléatoire, tout comme leur autonomie politique vis-à-vis du FMI et de la Banque mondiale. Nous concluons ce chapitre en indiquant les prochaines étapes qui nous semblent nécessaires pour corriger les insuffisances de l’initiative PPTE et de l’IADM.
Amélie Canonne (AITEC / IPAM)
Jusqu’alors, la question de la soutenabilité (ou « viabilité ») de la dette n’était posée par les institutions financières internationales (IFI) que dans la perspective d’un calcul millimétré des allègements nécessaires à la restauration de la solvabilité et de la capacité de remboursement de leurs créanciers. Depuis, les IFI ont élaboré un nouveau cadre de soutenabilité « à long terme » de la dette, adopté en 2004, non plus pour déterminer les allègements nécessaires mais pour instruire leur future politique de prêts.
Le lien est évident entre évaluation de la viabilité de l’endettement et modalités futures d’allocation des ressources de l’aide. Toutefois, du côté des IFI, l’évaluation s’effectue selon des critères opaques. Elle conditionnera lourdement le montant et la forme des aides futures. Moins de prêts et plus de dons, de plus faibles montants et alloués « au mérite » : telle est la logique qui se dessine. Or, un développement durable et collectivement partagé appelle la définition de politiques de soutenabilité reposant sur la reconnaissance des droits sociaux comme une priorité absolue. Ce chapitre revient sur l’évolution des analyses de viabilité effectuées par les IFI, avant de développer une approche alternative, fondée sur les droits, qui éclaire les véritables questions que soulève le débat prêt/don autour des instruments de l’aide au développement.
Sébastien Fourmy (Agir ici)
En contrepartie des allègements de dettes, les institutions financières internationales (IFI) obligent les pays débiteurs à respecter un ensemble de conditionnalités. Tous les champs de l’action gouvernementale sont potentiellement concernés par ces conditionnalités : déficit public, fiscalité, privatisation d’entreprises stratégiques, plafonds budgétaires, maîtrise de l’inflation, politique commerciale... Dix ans après le lancement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), force est de constater que celle-ci est avant tout un parcours du combattant pour qui y participe. Garantir que les fonds dégagés par les annulations de dette servent effectivement la lutte contre la pauvreté et ne viennent pas renforcer un pouvoir despotique ou alimenter la corruption est certainement nécessaire ; mettre sous tutelle ces pays en démultipliant le nombre des conditionnalités est intolérable. A partir d’une étude réalisée par Angela Wood pour le compte d’une coalition européen d’ONG[6], « Tirer sur la laisse ou relâcher la bride ? - L’état des conditionnalités liées à l’initiative PPTE en 2006 », ce chapitre examine les différentes conditionnalités actuellement imposées aux PPTE pour bénéficier des allègements de dette. Les principales conclusions sont les suivantes :
· Les conditionnalités à remplir pour atteindre le point d’achèvement demeurent extrêmement nombreuses ;
· Un nombre conséquent de pays n’atteint le point d’achèvement qu’après un délai souvent bien supérieur aux agendas initiaux ;
· Les conditionnalités macroéconomiques, telles que les objectifs en matière de fiscalité, sont les obstacles principaux pour progresser dans l’initiative ;
· Les conditionnalités structurelles, principalement les exigences de privatisations, sont nombreuses dans beaucoup de PPTE, quand bien même de nombreux parlementaires et citoyens s’y opposent ;
· Les mesures de libéralisation commerciale sont moins souvent imposées que dans les décennies précédentes ;
· Il existe un grand nombre de conditionnalités de « gouvernance » attachées au processus PPTE, sans évidence claire de leur efficacité ;
· Les conditionnalités dans les secteurs sociaux (éducation, santé...) sont généralement bien suivies par les gouvernements ;
· Le nombre des conditionnalités pour les nouveaux entrants dans l’initiative PPTE n’a pas été réduit.
Olivier Blamangin et Pierre Goirand (CGT)
En marge de l’initiative PPTE, la France s’est engagée, en janvier 2000, à annuler l’ensemble de ses créances bilatérales contractées par les pays PPTE au titre de l’aide publique au développement. Ces allégements ont pris la forme d’un refinancement par don, géré dans le cadre de Contrats de Désendettement et de Développement - C2D. Où en est-on, six ans après, de leur mise en œuvre ?
Une des principales limites des C2D tient au lien très étroit qui unissent ces mesures additionnelles à l’initiative PPTE. Selon les hypothèses présentées en août 2000 par le gouvernement français[7], tous les pays concernés par les C2D auraient dû atteindre leur point d’achèvement avant la fin 2003. Il n’en a rien été : les conditionnalités attachées à l’initiative PTTE ont, pour la presque totalité des pays, multiplié les reports. Il en résulte une économie substantielle pour la France et un coût considérable pour les pays concernés, qui continuent de rembourser leurs dettes jusqu’au point d’achèvement. La France aura ainsi « économisé » 477 millions d’€ sur les 5 premières années du processus, et probablement plus de 280 millions d’€ supplémentaires en 2006. Ce chapitre démontre que le lien avec l’initiative PPTE n’a aucune raison d’être.
Par ailleurs, Paris s’était engagé à mettre en oeuvre les C2D « en pleine association des sociétés civiles ». Malgré de timides avancées obtenues par la plate-forme Dette et Développement, il n’y a eu de consultation de la société civile dans aucun des huit pays qui ont signé un C2D. Le C2D Cameroun constitue un test à cet égard.
Jean Merckaert (CCFD)
On se souvient des parents des victimes de la répression après Tienanmen, en mai 1989, contraints de rembourser à l’Etat chinois les balles ayant servi à l’exécution de leurs enfants. On sait moins que les populations de plusieurs des pays les plus pauvres du monde sacrifient quotidiennement, pour de nombreuses années, une part importante de leurs ressources publiques pour rembourser une dette contractée contre leur gré pour financer des régimes oppressifs ou guerriers, dont ils sont la première victime. Dans les deux scenarii, les victimes sont amenées à payer deux fois.
Face au cynisme d’Etat, reste un recours pour les peuples oppressés : le droit. Plusieurs gouvernements dans l’histoire ont refusé de payer la dette qu’ils héritaient du régime illégitime qui les précédait, en arguant que cette dette n’engageait que le régime en question, non l’Etat. Ce principe a été formalisé en droit par la doctrine de la dette odieuse, qui précise les critères de nullité d’une créance dans ces circonstances. Reposant sur quelques-uns des principes généraux du droit des contrats les plus communément admis au niveau international, cette doctrine n’en a pas pour autant valeur de loi. Il revient donc aux Etats d’en faire un traité international - au moins pour que joue l’effet préventif : que le soutien financier à des dictateurs cesse d’être une pratique acceptée des relations internationales.
Ce chapitre décrit la doctrine et la jurisprudence de la dette odieuse, avant d’aborder deux cas exemplaires, la République démocratique du Congo (RDC) et l’Irak puis d’analyser le contexte politique autour de la reconnaissance d’une telle doctrine.
Les années 2004-2005 ont rappelé avec acuité l’arbitraire qui préside à la gestion de la dette au niveau international. Les 19 principaux pays créditeurs, réunis au sein d’une « non institution » qui célèbre son cinquantenaire en 2006, le Club de Paris, en ont fait l’éclatante démonstration, ces deux dernières années, à l’occasion des cas de l’Irak, du Nigeria et des pays affectés par le tsunami, dont l’Indonésie. Le premier, sous tutelle américaine, a obtenu 80 % de réduction de sa dette auprès du Club de Paris ; le Nigeria a dû régler les arriérés et anticiper le remboursement de sa dette pour en obtenir un allègement de 60% ; les pays affectés par le tsunami ne se sont vu offrir qu’un moratoire, non suspensif des intérêts. L’approche d’Evian développée depuis 2003, qui permet aux pays du Club de Paris d’adopter un traitement sur mesure de la dette des pays débiteurs, n’est en réalité que l’officialisation d’un processus de décision qui ne répond à aucune règle.
Ce chapitre, complété par l’évocation des récentes décisions brésilienne et argentine d’anticiper le remboursement de leur dette, revient sur les prises de position développées, à chacune de ces occasions, par la plate-forme Dette et Développement, qui n’a eu de cesse de promouvoir des décisions respectueuses du droit, dans un cadre impartial.
Pour toute réaction au contenu et aux propositions formulées dans ce rapport, vous pouvez vous adresser à Jean Merckaert, dette(at)ccfd.asso.fr
[1] Le 27 juin 1996, Jacques Chirac présidait la réunion du G7 à Lyon, qui lançait l’initiative PPTE, pour permettre aux « pays pauvres lourdement endettés (...) de régler définitivement les situations d’endettement non soutenable ».
[2] Ces objectifs définis par les Nations Unies visent à réduire de moitié la faim et la misère, d’ici à 2015. Toute la communauté internationale s’y est engagée en septembre 2000
[3] Cf. Rapport de la Commission pour l’Afrique (présidée par Tony Blair), Notre Intérêt commun, 2005, p. 132