Survie

Total Ouganda : un nouveau rapport d’enquête alarmant à la veille de l’audience en appel

Publié le 20 octobre 2020 - Les Amis de la terre, Survie

Les Amis de la Terre France et Survie publient aujourd’hui un nouveau rapport alarmant sur les activités de Total en Ouganda et Tanzanie [1] : les violations des droits humains dénoncées il y a plus d’un an se poursuivent et se sont multipliées, touchant aujourd’hui environ 100 000 personnes. Fondé sur une nouvelle enquête de terrain, ce rapport a été versé au dossier judiciaire, en vue de l’audience à la Cour d’Appel de Versailles le 28 octobre prochain, qui opposera la multinationale pétrolière aux associations françaises et ougandaises [2]. Cette audience revêt une importance particulière puisqu’il s’agit de la toute première action en justice sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales.

Les projets Tilenga (extraction de pétrole au cœur d’une aire naturelle protégée) et EACOP (oléoduc géant chauffé) menés par Total provoquent notamment des déplacements massifs de population en Ouganda et Tanzanie. Ce sont aujourd’hui des dizaines de milliers de personnes qui sont privées totalement ou partiellement de leurs terres, avant même de recevoir la moindre compensation.

Rapport Un cauchemar nommé Total, Octobre 2020, Survie et Amis de la Terre

Le rapport "Un cauchemar nommé Total" des Amis de la Terre France et Survie inclut des dizaines de témoignages collectés dans les différents districts ougandais affectés par ces deux projets, dénonçant notamment des situations de famine et de déscolarisation, directement engendrées par le projet mené par Total. Les personnes affectées expliquent avoir perdu depuis au moins deux ans leurs moyens de subsistance et n’avoir aucune information sur la date à laquelle elles recevront leur compensation, voire ignorent même le montant de celle-ci. Beaucoup soulignent avoir signé les formulaires de cession de leurs terres suite à des pressions et intimidations de la part de Total et de ses sous-traitants.

Ces constats rejoignent ceux de deux autres enquêtes, publiées en septembre 2020 par la FIDH, Oxfam America et leurs partenaires [3], et les alertes répétées de la société civile ougandaise et tanzanienne. De plus, une pétition mondiale, demandant au PDG de Total d’abandonner d’urgence ces projets dévastateurs, a récolté plus d’un million de signatures en un peu plus d’un mois [4].

Pour Juliette Renaud, responsable de campagne aux Amis de la Terre France : «  En 2019, nous avions alerté sur la nécessité de mesures urgentes pour que ces violations ne se répètent pas à grande échelle. Ce qu’on redoutait est malheureusement devenu réalité, touchant environ 100 000 personnes en Ouganda et Tanzanie. Les intimidations et persécutions des leaders communautaires et d’associations qui osent dénoncer ces violations et les impacts négatifs des projets pétroliers se sont également multipliées. Total ne peut plus nier indéfiniment la gravité des faits qui lui sont reprochés ! »

Thomas Bart, militant de Survie, poursuit : « Alors que les alertes se multiplient, Total continue son projet à marche forcée, et a même décidé d’accélérer les expulsions des communautés. Cette stratégie semble être une nouvelle tentative de l’entreprise pétrolière d’échapper à ses responsabilités et obligations légales. »

Ce rapport intervient une semaine avant l’audience qui se tiendra à la Cour d’Appel de Versailles mercredi 28 octobre.

Selon Juliette Renaud «  Un an après notre assignation en justice, le géant pétrolier n’a fait que quelques changements cosmétiques dans son plan de vigilance et sur le terrain, et veut faire croire qu’il n’y aurait que de simples problèmes d’ "incompréhensions" avec les communautés. Nous considérons que Total continue de violer la loi sur le devoir de vigilance de façon flagrante ».

Thomas Bart conclut : «  Alors que plusieurs dizaines de milliers de personnes se retrouvent privées de leurs moyens de subsistance à cause de ce méga-projet pétrolier, et que les coûts environnementaux et climatiques sont aussi inacceptables, la France, via son ambassade, a décidé de soutenir activement le projet de Total. Elle participe notamment à une vaste campagne prônant les « bénéfices » qu’apporterait l’exploitation du pétrole en Ouganda, en contradiction totale avec son discours en faveur des droits humains et de l’accord de Paris sur le climat. Nos associations estiment que Total devrait arrêter au plus vite ce projet et apporter une réparation aux communautés affectées ».

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Note juridique de Survie et les Amis de la Terre_Total en Ouganda octobre 2020.pdf

En complément, la note faisant le point sur la procédure judiciaire en France : "Total Ouganda - Première action en justice sur le devoir de vigilance des multinationales : où en est-on ?" est téléchargeable ci-contre.

[2Les Amis de la Terre France et Survie publient également aujourd’hui une note faisant le point sur la procédure judiciaire en France : Total Ouganda - Première action en justice sur le devoir de vigilance des multinationales : où en est-on ?

[3Les rapports de la FIDH, Oxfam et leurs partenaires en anglais, ainsi que leur résumé conjoint en français, sontdisponibles ici.

[4Pétition d’Avaaz « Arrêtons cette folie Total(e) »

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