Survie

Emmanuel Macron en chef militaire au Mali : le symbole d’une Françafrique toujours en marche

Publié le 19 mai 2017 - Survie

En se rendant auprès des troupes françaises déployées au nord du Mali la semaine de son investiture, Emmanuel Macron assume l’interventionnisme militaire qui a marqué le quinquennat de François Hollande et de son ministre Jean-Yves Le Drian. Un symbole de plus, en quelques jours, de la perpétuation d’une politique africaine faite d’ingérence et de soutien aux dictateurs.

Le nouveau Président de la République, qui cherche à aligner les images symboliques depuis son élection [1], se rend aujourd’hui au Mali pour illustrer son soutien aux forces militaires françaises déployées au Sahel et affirmer ainsi au nom de la "lutte contre le terrorisme" une totale continuité avec François Hollande. Le "bilan africain" de ce dernier étant en grande partie celui de Jean-Yves Le Drian, passé de la Défense aux Affaires étrangères à la faveur du "renouvellement" à la tête de l’État, Emmanuel Macron met ainsi en oeuvre un des piliers de "sa" politique africaine, la prolongation de l’ingérence militaire. Celle-ci n’est toujours pas questionnée, alors même que la situation actuelle au nord du Mali, mais aussi en Libye, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique, fragilise chaque jour la vitrine d’un interventionnisme étranger victorieux fournie par Le Drian au nouveau locataire de l’Elysée.

Le refrain de la fin de la Francafrique, brandi successivement par Sarkozy puis par Hollande, n’a pas été repris dans cette campagne présidentielle, à l’exception de la grossière tentative d’instrumentalisation de Marine Le Pen [2]. Mais les déclarations du candidat Macron à certains médias spécialisés et les premiers choix politiques lourds de sens ne laissent guère d’illusion. Celui qui a promis de faire passer le business franco-africain et la stabilité des régimes en place au nom de la lutte contre le terrorisme avant le respect des droits humains, a choisi un Premier ministre grand défenseur des intérêts d’Areva sur le continent [3] et un ministre des Affaires étrangères qui était déjà le "ministre de l’Afrique" s’affichant volontiers avec certains des pires dictateurs du continent lors du quinquennat précédent. Le Tchadien Idriss Déby peut continuer à faire emprisonner des militants, le Congolais Sassou Nguesso peut laisser pourrir la crise humanitaire dans la région d’un opposant, le Gabonais Ali Bongo peut réprimer sans fin la contestation populaire : ils ne craignent aucune condamnation publique, et encore moins le gel de l’aide bilatérale ou la suspension des relations de coopération militaire et policière qui les unissent à la France. La nomination d’une ministre des Armées interroge quant à elle, avec un tel intitulé de sa fonction, sur la feuille de route donnée à cette juriste de formation face au pouvoir discret mais croissant de la Grande Muette sur la politique africaine de la France, alors même que l’opération Barkhane, déployée depuis 2014, n’a jamais été approuvée par le Parlement, en violation de l’article 35 de la Constitution.

Consciente qu’en matière de politique africaine, plus encore que dans les autres domaines, les vieilles recettes resteront de mise sous ce quinquennat, l’association Survie continuera son travail de décryptage, d’information et de mobilisation pour mettre enfin un terme aux mécanismes tant institutionnels que mafieux de la Françafrique.

Mis à jour le 20 mai 2017 [4]

[1Concernant son soutien à l’armée, le nouveau Président avait déjà choisi de parader dans une voiture de commandement militaire sur les Champs Élysées le jour de son investiture, puis de mettre en scène médiatiquement sa visite à des soldats français blessés en opération.

[3Comme le signalait le Réseau Sortir du Nucléaire dans son communiqué le 15 mai, Edouard Philippe, qui a été Directeur des affaires publiques d’Areva de 2007 à 2010, "avait notamment joué un rôle de lobbyiste auprès des élus de l’Assemblée Nationale au sujet des mines d’Areva au Niger."

[4Dans une précédente version, nous avions écrit par erreur que le Président avait également choisi "un Secrétaire général de l’Elysée issu de l’Agence française de développement" : une erreur liée au fonctions précédemment exercées par Alexis Kohler comme adjoint de Rémi Rioux - devenu depuis Directeur général de l’AFD - mais c’était au cabinet de Pierre Moscovici, alors ministre de l’Economie et des Finances. Cette collaboration a indubitablement créé une proximité entre les deux hommes, mais Alexis Kohker n’a en fait à notre connaissance pas directement travaillé à l’AFD.

a lire aussi