Depuis plusieurs jours, la mobilisation des populations gabonaise et togolaise face aux clans qui les oppriment depuis 45 ans prend une ampleur énorme. Malgré les discours de façade sur la démocratisation en marche qui ont suivi les successions dynastiques à la tête du Gabon et du Togo, la seule réponse des autorités reste la répression. L’association Survie soutient les peuples togolais et gabonais dans leur lutte et demande au nouvel exécutif et au prochain Parlement français de condamner publiquement la répression ordonnée par deux régimes surannés de la Françafrique.
Au Gabon, les autorités ont tenté d’empêcher un contre-forum de la société civile la semaine dernière et la police détient et maltraite depuis lundi une vingtaine de leaders de manifestations étudiantes qui ont le tort de réclamer le versement des bourses universitaires et le respect des droits des étudiants. Jeudi matin, alors que d’autres étudiants tentaient d’accéder au tribunal pour dénoncer le simulacre de procès en préparation, la répression est montée d’un cran avec l’annonce de l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants s’ils tentent d’accéder à l’audience.
Au Togo, le Collectif "Sauvons le Togo", qui regroupe depuis avril dernier dix-sept organisations de défense des droits humains, associations de la société civile et partis politiques d’opposition, a initié mardi un vaste mouvement populaire de protestation. Plusieurs centaines de milliers de personnes sont ainsi descendues dans la rue pour exiger l’application des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation et refuser la récente modification du code électoral qui renforce la suprématie du clan au pouvoir. Là aussi, la réponse brutale du pouvoir ne s’est pas fait attendre, avec le déploiement de l’armée pour quadriller la capitale et étouffer la contestation. En dépit d’une répression violente, la mobilisation ne faiblit pas et se cristallise désormais autour de revendications qui mettent en péril le régime.
Par une triste coïncidence, les clans au pouvoir au Gabon et au Togo ont été installés en 1967. Ils ont toujours pu compter sur le soutien de la France, à travers une coopération militaire et policière particulièrement active. Qui a formé et équipé les forces de l’ordre qui répriment aujourd’hui violemment ces manifestations ?
Dans ces deux pays, la mort du « dictateur ami de la France » a été suivie d’une succession dynastique immédiatement avalisée par la France, malgré les contestations populaires. Au Togo, Faure Gnassingbé a hérité du pouvoir de son père Gnassingbé Eyadéma en 2005, au terme de violences qui ont fait 500 à 1000 morts et 40 000 réfugiés selon l’ONU. Au Gabon, Ali Bongo a confisqué le résultat de l’élection présidentielle après la mort d’Omar Bongo en 2009, entraînant des manifestations réprimées dans le sang. Qui, dans le nouvel exécutif français, peut nier que ces chefs d’État ont usurpé leur accession au pouvoir ?
Au Gabon comme au Togo, les manifestants qui font aujourd’hui face aux forces répressives craignent que la diplomatie française ne continue à soutenir les régimes en place. Qui peut oublier qu’en pleine campagne présidentielle, Laurent Fabius avait justement été reçu par les despotes Faure Gnassingbé (le 8 décembre 2011) et Ali Bongo (le 13 février 2012) ? Il est maintenant temps que le nouveau ministre des Affaires Étrangères défende les aspirations des peuples à la démocratie, au Gabon et au Togo comme partout ailleurs.
L’association Survie attend de l’Elysée et du Quai d’Orsay la condamnation publique de la répression dans ces deux pays, et espère que la nouvelle Assemblée nationale qui sortira des urnes dimanche se saisira de ce double exemple de plus pour faire enfin l’examen critique de la politique de coopération policière et militaire française avec les régimes autocratiques [1].
[1] Plus largement, l’association rappelle les 5 engagements qu’elle demande au nouveau gouvernement là : Françafrique : le changement, c’est pour quand ?