« Cet étrange objet "politico-académique" semble servir avant tout un rapprochement diplomatique de la France avec le Rwanda, aux dépens de la réalité historique et de la justice. » Par François Graner et Raphael Doridant, auteurs de L’Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda.
Le 26 mars dernier, Emmanuel Macron a reçu le rapport de la "Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi (1990-1994)", présidée par Vincent Duclert et nommée en avril 2019. Basé sur l’analyse de milliers de documents d’archives largement inédits, dont une grande partie désormais accessible à la recherche, le rapport traite des responsabilités françaises dans ce génocide.
Ce rapport a une qualité majeure, celle d’entériner ce que de nombreuses voix disent depuis longtemps. Parmi ces voix, celle de Survie dont le président dénonçait le soutien français aux extrémistes hutus, en direct au journal de 20 heures, dès janvier 1993, quand le génocide était encore évitable. Les conclusions de ce travail sont implacables quant aux "responsabilités lourdes et accablantes" et à la "faillite de la France". Ainsi reconnues, elles permettront d’informer un peu plus les citoyens français après tant d’années de déni, et marginaliseront les thèses négationnistes encore relayées par certains responsables de l’époque.
Un travail de recherche inachevé
Toutefois, ses faiblesses sont nombreuses. Vingt-trois ans après la Mission d’Information Parlementaire (MIP) de 1998, ce travail n’apporte quasiment aucun élément nouveau sur les aspects les plus controversés de l’implication de la France dans le génocide : le soutien militaire discret (qualifié de "stratégie indirecte") mentionné par le conseiller militaire de François Mitterrand, l’éventuelle contribution de militaires ou de mercenaires français à l’attentat ayant coûté la vie au président Habyarimana, la présence de Paul Barril et d’autres mercenaires français au Rwanda durant le génocide, les livraisons d’armes au régime génocidaire, la non-assistance aux Tutsis en cours d’extermination à Bisesero, etc.
Quoique volumineux, ce rapport est loin d’avoir intégré les apports de multiples chercheurs depuis un quart de siècle, que nous synthétisons et mettons à jour dans notre livre. En outre, Survie avait envoyé à la Commission Duclert une centaine de questions [1] encore ouvertes : elles n’ont reçu quasiment aucune réponse. La recherche historique doit donc être poursuivie grâce à une ouverture dans de vraies conditions de recherche, avec droit de copie, de toutes les archives, y compris celles de la MIP qui sont encore fermées.
Responsable mais pas complice ?
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[1] que vous pouvez retrouver ici :