Alors que M. Le Drian prend une posture protectrice des femmes en annonçant un plan d’action « vigoureux » pour lutter contre les violences dont sont victimes les femmes militaires au sein de l’armée, l’association Survie rappelle qu’il y a quatre mois, ce même ministre de la Défense faisait voter une loi qui empêche notamment les femmes d’engager des poursuites judiciaires contre un militaire français pour un crime se produisant à l’étranger pendant une opération. Cette disposition était réclamée par le ministère de la Défense notamment en écho aux affaires rwandaises.
Le scandale des violences sexuelles au sein de l’armée française a permis de mettre sur la place publique un sujet tabou, qui relevait d’une véritable « omerta » au sein des institutions, dénoncée par de nombreuses femmes, avocat-e-s et associations. Cependant, en reconnaissant la nécessité et l’urgence de mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes militaires au sein de l’armée, les responsables politiques font preuve de duplicité puisqu’ils viennent il y a peu d’aggraver la situation des femmes civiles et étrangères, qui elles, semblent ne pas compter.
Ainsi, il y a 4 mois, le même ministre de la Défense et le même président de la République faisaient voter par les mêmes parlementaires une loi qui empêche désormais les victimes de crimes commis à l’étranger – dont les femmes victimes de violences sexuelles – d’engager des poursuites judiciaires. Selon l’article 30 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, l’engagement des poursuites est en effet maintenant réservé au parquet, avec la possibilité évidente pour l’exécutif d’étouffer des affaires.
Cette loi fait écho entre autres aux opérations au Rwanda : l’armée a essayé d’étouffer les plaintes pour viol pendant Turquoise. L’institution militaire a en effet systématiquement et par tous les moyens (médiatiquement, judiciairement) essayé d’empêcher une instruction, puis a tenté de torpiller celle-ci, allant jusqu’à faire pression sur la juge d’instruction pour qu’elle ne se rende pas au Rwanda.
L’association Survie dénonce l’omerta et l’impunité qui subsistent encore aujourd’hui en cas de crimes commis par certains militaires français en opération à l’étranger, et exige l’abrogation des textes de lois qui réservent le monopole des poursuites au parquet en cas de crime (qu’il s’agisse de l’article 30 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, ou de l’alinéa 2 de l’article 689-11 du Code de procédure pénale en lien avec la loi d’adaptation de la Cour pénale internationale).
La loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, à travers son article 30, a modifié l’article 698-2 du Code de procédure pénale en ajoutant :
« [...] l’action publique ne peut être mise en mouvement que par le procureur de la République lorsqu’il s’agit de faits commis dans l’accomplissement de sa mission par un militaire engagé dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires, se déroulant à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, quels que soient son objet, sa durée ou son ampleur [...] » [1]
La communauté des militaires représentées par le CSFM (Conseil Supérieur de la Fonction Militaire) avait pourtant signifié son opposition à ce texte : “Il a émis un seul avis défavorable sur le projet concernant la protection des militaires contre une judiciarisation dans l’exercice de leurs missions militaires.” [2]
Mais le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, vraisemblablement sous l’influence de quelques membres de l’Etat-major, a persisté pour imposer cette capacité de fournir une impunité à des militaires français.
Il n’y a aucune ambiguïté quand aux origines de ce texte de loi, dont l’objectif avait été présenté ainsi : “Ce monopole reconnu au parquet [...] constituera une protection efficace des militaires contre une judiciarisation excessive de leur action“ et “sera également le gage de l’absence d’instrumentalisation de l’action judiciaire par des acteurs qui auraient intérêt à contester par ce biais la politique militaire française. “ [3]. Le passif concerne notamment les cas de la Côte d’Ivoire et du Rwanda.