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"On Ne Se Taira Pas !" : Deux jugements de poursuites-bâillons attendus ces jours-ci

Publié le 27 novembre 2018 - collectif, CRID, Survie

Le collectif "On Ne Se Taira Pas" soutient Bastamag, qui connaîtra aujourd’hui la décision de jugement d’une seconde plainte en diffamation déposée par le groupe Bolloré et dont le procès s’est tenu le 2 octobre dernier. Cette nouvelle procédure porte sur les activités africaines du groupe, suite à un article publié en 2014 et intitulé « Accaparement de terres : le groupe Bolloré accepte de négocier avec les communautés locales ». Cela fait suite à une première affaire, concernant un autre article, que le groupe Bolloré avait définitivement perdu (en première instance, en appel puis en cassation).

Ces plaintes font partie de la longue liste de procédures en cours intentées par l’homme d’affaires français et son groupe, comme l’avait dénoncé le collectif "On ne se taira pas !" aux côtés de dizaines de journalistes, d’organisations et de médias dans une tribune publiée en janvier [1]. Mais cette liste s’est encore allongée : le 15 novembre, Bolloré SA et Bolloré Logistics ont assigné en justice les auteurs du livre Vincent tout-puissant (Lattès, 2018) pour diffamation. Les journalistes Nicolas Vescovacci et Jean-Pierre Canet ont ainsi été mis en examen pour complicité de diffamation dans cette affaire. Dans trois semaines, le 17 décembre, une audience doit se tenir au tribunal de Paris pour une première plainte en "dénigrement" déposée au civil en janvier dernier contre Nicolas Vescovacci par le groupe Vivendi, contrôlé par Bolloré, avant même la publication du livre [2].

Parallèlement, une autre poursuite-bâillon est actuellement en délibéré : le 20 décembre marquera le jugement d’Emmanuel Poilane, ancien Directeur Général de la fondation France Libertés qui a été attaquée en diffamation par le groupe Veolia en janvier 2017. Ce géant français de la "gestion de l’eau", qui avait poursuivi simultanément le directeur de la Coordination Eau Île-de-France (contre lequel il a finalement retiré sa plainte en mars dernier), reproche à Emmanuel Poilane des propos dans le cadre de son combat contre les coupures d’eau en France [3].

Le collectif On Ne Se Taira Pas, qui s’est constitué pour faire face collectivement à ces procédures et à la menace qu’elles représentent pour le droit à l’information [4], espère la relaxe de Bastamag et des journalistes et défenseurs des droits mis en cause. La multiplication des poursuites-bâillons, et dans certains cas l’acharnement judiciaire contre certains acteurs de l’information, entravent la liberté de la presse et constituent une menace directe contre les associations qui œuvrent pour l’intérêt général en tentant de défendre les droits humains, l’environnement, les droits des consommateurs, etc. En ciblant ces différents contre-pouvoirs, ces poursuites-bâillons attaquent la démocratie en son cœur.

Dernière minute

La décision concernant la plainte en diffamation de Bolloré contre Bastamag est finalement reportée à ce vendredi 30 novembre. D’autre part, le mardi 4 décembre se tiendra à Nanterre le procès en diffamation de la journaliste Fanny Pigeaud et de Mediapart, poursuivis en diffamation par Bolloré pour l’article intitulé "Comment le groupe Bolloré a ruiné deux entrepreneurs camerounais", publié le 13 avril 2016.

[1[Tribune collective "Face aux poursuites-bâillons de Bolloré : nous ne nous tairons pas !", 24 janvier 2018. Certaines affaires de la liste évoquée en annexe de cette tribune se poursuivent. Par exemple, les audiences en appel dans l’affaire qui oppose SOCFIN et SOCAPALM, aux associations Sherpa, ReAct et aux médias Mediapart, L’Obs et Le Point, se tiendront les 13 et 14 février 2019.

[2[2] Voir par exemple Franck Durupt, "Bolloré contre les médias : de nombreuses procédures, peu de victoires", Libération, 12 juin 2018

[3[3] Les plaintes contre les directeurs de la Fondation France Libertés et de la Coordination Eau-Île-de-France concernaient "le même communiqué de presse, repris sur le site des deux organisations et dans une interview radio, qui dénonçait des avenants demandés par Veolia aux collectivités pour compenser une soi-disant perte de recettes dues à l’interdiction des coupures d’eau." Voir "Premier succès : Veolia abandonne sa plainte contre Jean-Claude Oliva !", Coordination Eau-Île-de-France, 6 mars 2018

[4[4] Le collectif regroupe actuellement les Amis de la Terre France, le Collectif des Associations Citoyennes (CAC), la Coordination Eau Ile-de-France, le CRID, foodWatch France, la Fondation France Libertés, Greenpeace, l’Observatoire des Multinationales, ReAct, Ritimo, Sherpa, Solidaires, Survie. Voir https://onnesetairapas.org

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