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Emmanuel Macron, ou l’incarnation de l’impunité et du déni français sur la décennie d’intervention militaire au Sahel

Publié le 8 janvier 2025

Le 6 janvier 2025, lors de la conférence annuelle des Ambassadrices et des Ambassadeurs de France, Emmanuel Macron a suscité l’indignation en déclarant que la France a eu "raison" d’intervenir militairement en Afrique "contre le terrorisme depuis 2013", regrettant “l’ingratitude” des chefs d’État africains... Il faut reconnaître la performance du Président français : de la Libye au Sahel, entre exonérations des règles de droit international et soutien aux régimes autoritaires ou corrompus, ignorer l’effet déstabilisateur des interventions françaises relève de l’exploit.

(Crédit photo : CC Finnish Government, 22 septembre 2017)

Stratégie exclusivement sécuritaire, imposée de l’extérieur et qui s’est révélée inefficace, bavures systématiquement niées, exonérations des règles de droit international, instrumentalisation de l’aide au développement, soutien aux régimes autoritaires ou corrompus... Telles ont été les modalités d’action de l’armée française pendant une décennie au Sahel (analysées dans notre Dossier Noir De l’huile sur le feu. La France en guerre contre le terrorisme en Afrique, 2024). Et pour lesquelles Emmanuel Macron estime que les chefs d’Etat Africain ont « oublié de dire merci »... Il faut reconnaître la performance du Président français : de la Libye au Sahel, ignorer l’effet déstabilisateur des interventions françaises relève de l’exploit.

Le 13 janvier 2020 déjà, alors que le Président français convoquait les chefs d’Etat des pays du G5 Sahel à Pau, un collectif de personnalités sahéliennes fustigeait l’ingérence française : "comment occulter que la défense des intérêts économiques régionaux, les enjeux de puissance internationale de la France et l’obsession de la lutte contre les migrations, sont le socle d’une intervention militaire vouée aux gémonies par les peuples qui la vivent au quotidien ?".

Après l’expulsion de l’armée française de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, Paris s’étouffe dans son paternalisme néocolonial et se refuse à faire le bilan critique de sa débâcle sahélienne et à avoir un débat démocratique sur le sujet de la présence militaire française en Afrique. A l’instar des autorités américaines au Moyen-Orient et reprenant les termes de son envoyé spécial en Afrique, Jean-Marie Bockel, pour qui Barkhane "a contribué à réduire la menace terroriste et à permettre à ces pays de demeurer des pays." (6 novembre 2024), Emmanuel Macron se ridiculise en essayant de sauver l’idée fallacieuse d’une association vertueuse entre ingérence française et souveraineté des pays africains. L’absurdité est consommée lorsqu’il surjoue la maîtrise de la situation : "Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce"...

Les Africaines et les Africains ne veulent plus de la présence militaire française en Afrique, mais, comme il l’a récemment déclaré à Djibouti, le chef de l’État français n’entend pas renoncer aux ingérences militaires. Une véritable rupture dans la politique impérialiste et raciste de la France n’est pas encore à l’ordre du jour. Les mobilisations restent donc de mise.

Il est temps :
- que les bases militaires françaises soient purement et simplement démantelées,
- que les opérations et les ingérences extérieures prennent fin,
- que la coopération militaire et policière avec les régimes autoritaires cesse.

Retrouvez également l’analyse de Justine Brabant pour Mediapart : "Le paternalisme de Macron à l’égard de l’Afrique provoque une crise diplomatique"

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