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Pascal Jouary et Max Milo : fausse interview de Survie, vrai négationnisme

Publié le 3 février 2022 - Survie

Le journaliste Pascal Jouary et l’éditeur Max Milo publient une fausse interview de l’association Survie accompagnée de commentaires qui donnent une présentation biaisée du génocide des Tutsis, dans la lignée d’écrits négationnistes publiés par cette maison d’édition.

C’est avec étonnement que l’association Survie a découvert le livre du journaliste Pascal Jouary : Secret Défense, le livre noir (Editions Max Milo, novembre 2021). Le chapitre consacré à la complicité de la France lors du génocide des Tutsis au Rwanda comprend un dialogue présenté comme une interview qui aurait été accordée à l’auteur par un porte-parole non précisé de Survie, à une date non précisée de l’année 2021. Cet entretien n’a pas eu lieu et n’a même pas été demandé (si cela avait été le cas, Survie l’aurait volontiers accordé).

Max Milo a contribué à réécrire ce livre, via notamment son collaborateur régulier Bertrand Ferrier, qui le précise sur son site [1] . Que le choix soit celui de Pascal Jouary ou de Max Milo, le résultat est là. Les questions et les réponses sont en réalité librement inspirées d’articles existants (d’ailleurs cités dans le texte) sur des sujets voisins, notamment un article de Ouest France en 2021 ; et un autre de Billets d’Afrique, la revue éditée par Survie, en 2020, au sujet de la bataille de membres de l’association concernant l’accès à des archives déjà déclassifiées.

Survie, qui se réserve la possibilité de saisir la justice, s’insurge d’un tel procédé consistant à présenter comme un entretien la sélection et la reformulation de certaines de nos déclarations.

Cette malhonnêteté intellectuelle se double d’accusations infondées, que les éditions Max Milo aiment à relayer, présentant Survie comme un « soutien du Front patriotique rwandais », dans la lignée des affirmations fantaisistes du journaliste Pierre Péan dans son entreprise de négation du génocide des Tutsis du Rwanda [2]. En outre, le texte met en doute plusieurs de nos positions (reformulées par l’auteur ou son éditeur) sur le génocide. Il se réfère à des auteurs comme Bernard Lugan et Charles Onana, connus pour leur approche négationniste du génocide des Tutsis, ou encore Judi Rever, essayiste canadienne publiée par Max Milo qui réécrit à l’envers l’histoire du génocide [3].

Tout en cherchant, objectif louable, à dénoncer le scandale anti-démocratique que constitue le secret-défense, ce chapitre travestit la réalité et entretient la confusion qui favorise le négationnisme du génocide des Tutsis au Rwanda.

-Mise à jour 05-04-2023-

Avec l’autorisation de Bruno Jaffré, qui a rédigé une recension de l’ouvrage ci dessus, nous citons ci dessous un passage de son texte qui nous semble important pour éclairer et modérer notre propos.

Extrait  : « Son enquête terminée, il a eu toutes les peines du monde à trouver un éditeur. Conscient de l’importance de ce sujet, il a contacté de nombreuses maisons d’édition importantes pour être publié. Elles lui apparaissaient souvent presque enthousiastes puis finissaient les unes après les autres par se désister pour différentes raisons.

Lorsqu’il a eu une écoute attentive, chez Max Milo, il était tellement soulagé qu’il ne s’est pas vraiment méfié, trop content d’avoir enfin un éditeur. Mal lui en a pris. Cet éditeur lui a collé un autre auteur qui a beaucoup réécrit le texte pour le rendre un peu plus sensationnel, ajoutant parfois des figures de style plutôt assez lourdes. Cela a donné des choses étonnantes comme le fait que l’affaire Audin, du nom du mathématicien communiste français mort sous la torture en Algérie, sous le chapitre intitulé "Anatomie de secrets tahitiens" !

Surtout, et c’est semble-t-il le seul chapitre où cela s’est produit, l’éditeur a cru bon de rajouter des notes renvoyant à des ouvrages négationnistes d’auteurs maison, dans le chapitre sur le génocide du Rwanda. Ce qui a entraîné une réaction publique de l’association Survie ; Pascal Jouary n’a pas compris la manœuvre ou ne l’a pas vu ou ne l’a pas jugé suffisamment grave pour entrer en conflit avec son éditeur, tellement soulagé d’en avoir finalement trouvé.

Depuis les rapports avec l’éditeur sont exécrables, à tel point que Pascal Jouary a du solliciter une intervention d’une société des auteurs. »

Recension complète : https://www.thomassankara.net/secret-defense-livre-noir-livre-de-pascal-jouary/

[2Voir Benoît Collombat, « Le grand retournement de Pierre Péan : du dénonciateur d’Affaires africaines au défenseur de la Françafrique », in T. Borrel, A. Boukari-Yabara, B. Collombat, T. Deltombe (dir.), L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, éditions du Seuil, 2021, p. 672-676.

[3Pour une critique documentée du livre en question, voir Raphaël Doridant, « Négationnisme - Le génocide à 
l’envers de Judi Rever », Billets d’Afrique n°301, octobre 2020.

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