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Rapport de Survie : révélations sur l’implication de Bob Denard au Rwanda, payé par les génocidaires via la BNP

Montage à partir d’une photographie de la plaque « Rue de l'Elysée », à Paris (cliché original d’Erwmat, sous licence CC, 3 septembre 2013)
Publié le 1er février 2018 - Survie

L’association Survie publie ce jeudi un rapport avec des informations exclusives sur l’intervention d’un « corsaire de la République ». Sous une fausse identité, le célèbre mercenaire françafricain Bob Denard a aidé le gouvernement génocidaire, qui l’a rémunéré à Paris via la BNP. Cette intervention n’a pu se faire qu’avec la complaisance des autorités françaises. Ces révélations sont l’occasion pour Survie de rappeler que les procédures judiciaires en cours avancent trop lentement, quand elles ne sont pas délibérément sabotées

Télécharger le rapport "Le crapuleux destin de Robert-Bernard Martin - Bob Denard et le Rwanda"

Le rapport publié aujourd’hui par Survie montre notamment que Bob Denard a dépêché des hommes pour certaines missions au Rwanda pendant le génocide, qu’il a été payé par le gouvernement génocidaire et que ce paiement s’est fait par l’intermédiaire de la banque française BNP, visée par ailleurs par une enquête pour complicité de génocide.

Ces révélations démontrent une nouvelle fois que l’implication des autorités françaises est multiforme, car elles ne pouvaient ignorer les activités d’un mercenaire resté régulièrement en contact avec les services de renseignement tout au long de sa carrière, y compris en 1994 sur le sujet du Rwanda. Ces informations confirment donc la nécessité de faire la lumière sur ce que l’État français savait et a décidé de faire avant, pendant et après le génocide, selon un fonctionnement institutionnel qui, pour l’essentiel, est toujours à l’oeuvre. Pour Survie, association mobilisée contre la Françafrique, l’exigence de vérité et de justice se double donc d’une nécessité de changer les lois et dispositions constitutionnelles actuelles françaises qui permettent de telles dérives et une telle impunité [1].

L’association rappelle que plusieurs démarches judiciaires avancent trop lentement, quand elles ne sont pas sur le point d’être enterrées :

  • suite à la plainte déposée par Survie contre le mercenaire Paul Barril pour son rôle au Rwanda, l’instruction avance lentement, alors que Barril est aujourd’hui âgé et malade. Cela fait pourtant déjà 4 ans et demi que l’instruction est ouverte [2].
  • la plainte pour complicité de génocide visant les responsables militaires français qui ont laissé se poursuivre les massacres sur les collines de Bisesero fin juin 1994, semble tellement instruite à décharge que plusieurs parties civiles craignent ouvertement un non-lieu [3]
  • la plainte contre X déposée en juin par Survie avec constitution de partie civile pour des livraisons françaises d’armes aux génocidaires [4] est apparemment restée bloquée depuis fin septembre par le silence de la direction des affaires judiciaires du ministère des Armées, qui avait un mois pour transmettre son avis au parquet [5]. Malgré le risque permanent de déperdition des preuves, le parquet vient seulement d’émettre un réquisitoire introductif - sans l’avis en question - pour l’ouverture d’une instruction judiciaire : un juge d’instruction devrait enfin être nommé dans les prochains jours.

Pour Survie, il est indispensable que ces procédures aboutissent au plus vite, avant que les suspects et les témoins ne soient plus là. Faire en sorte que ces procès aient lieu, même 24 ans après le génocide, est essentiel : l’enjeu est judiciaire, mais également démocratique, pour conduire enfin au changement des institutions qui ont permis à l’Etat français d’être complice de génocide.

[1Voir les annexes 1 et 2 du rapport.

[2Voir le communiqué commun [« La FIDH, la LDH et Survie déposent plainte contre Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda »→https://survie.org/themes/genocide-des-tutsis-au-rwanda/nos-actions-en-justice/article/la-fidh-la-ldh-et-survie-deposent-4498], 25 juin 2013

[3Voir le communiqué commun de la FIDH, la LDH et Survie, [« Opération Turquoise / massacre de Bisesero : la justice refuse d’auditionner les plus hauts responsables militaires français »→https://survie.org/themes/genocide-des-tutsis-au-rwanda/nos-actions-en-justice/article/operation-turquoise-massacre-de-bisesero-la-justice-refuse-d-auditionner-les], 16 novembre 2017

[5Voir l’article 698-1 du Code de procédure pénale. Malgré le principe de séparation des pouvoirs, le ministère public a attendu plus de quatre mois afin d’exercer sa mission, dans l’attente d’un avis qu’un organe du pouvoir exécutif avait un mois pour donner.

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