Le 17 mai 1994, au 40e jour du génocide des Tutsis au Rwanda, l’ONU impose un embargo sur les armes. La France a malgré tout maintenu son soutien au gouvernement rwandais génocidaire notamment via des livraisons d’armes. Aujourd’hui, deuxième exportatrice d’armes au monde, Paris poursuit sa coopération militaire et policière avec des régimes criminels. La classe politique française continue de se déshonorer de manière décomplexée en soutenant un génocide annoncé, proclamé et internationalement toléré : celui des Palestinien-nes.
Malgré le déclenchement du génocide, le 7 avril 1994, la France a choisi de préserver son alliance stratégique avec le Rwanda en soutenant sur les plans diplomatique, militaire et financier le Gouvernement Intérimaire Rwandais (GIR) génocidaire. Le 27 avril, le gouvernement français est le seul d’Occident à recevoir une délégation du GIR, constituée de Jean Bosco Barayagwiza, chef de la Coalition pour la défense de la République et de la démocratie (CDR), parti extrémiste, et de Jérôme Bicamumpaka, Ministre des Affaires étrangères. Ce dernier est reçu par son homologue français Alain Juppé, qui n’a, jusqu’à ce jour, jamais exprimé de regret. Dès le 30 avril 1994, le Conseil de sécurité des Nations Unies met en garde
"contre le fait que la situation au Rwanda serait encore considérablement aggravée si l’une ou l’autre des parties devait avoir accès à des armes supplémentaires. Il demande instamment à tous les Etats de s’abstenir de fournir des armes ou une assistance militaire de quelque ordre que ce soit aux parties au conflit. Il se déclare prêt en principe à envisager sans tarder un embargo sur les armes au Rwanda".
Le 17 mai 1994, au 40e jour du génocide, l’ONU adopte la résolution 918 qui impose un embargo sur les armes au Rwanda. Mais cette sanction n’empêche pas les armes d’arriver par Goma, au Zaïre (aujourd’hui République Démocratique du Congo), au su et au vu des militaires français de l’opération Turquoise lorsqu’ils contrôlent l’aéroport [1]. Le 28 mai 1994, le mercenaire Paul Barril, au service du clan Habyarimana et pleinement intégré dans la "stratégie indirecte" des autorités politiques et militaires françaises [2], signe à Paris un contrat de formation et de livraison de munitions avec le gouvernement génocidaire. Paris est parfaitement au courant, en témoignent plusieurs documents d’archive [3].
La France a donc continué des livraisons d’armes jusqu’en juin 1994, avant de permettre la fuite des génocidaires au Zaïre et leur réarmement. Les conséquences désastreuses de cette séquence criminelle continuent jusqu’à aujourd’hui d’alimenter le cycle de la violence et les souffrances des populations à la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo.
Aujourd’hui, la France s’est hissée à la deuxième place des exportateurs d’armes au monde. En 2014, Paris a ratifié le Traité sur le Commerce des Armés (TCA) qui interdit l’exportation de matériels qui "pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité […] contre des civils ou d’autres crimes de guerre". Mais l’appât du gain semble être une boussole plus importante que le respect du droit international pour les entreprises du secteur de l’armement et les dirigeant-es du "pays des droits l’Homme", qui continuent de se rendre régulièrement complices de crimes odieux dans le cadre de sa coopération militaire et policière [4] :
Non contentes d’avoir facilité, de manière directe ou indirecte, la perpétration du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, une bonne partie des autorités politiques et militaires françaises a en outre prolongé l’action des génocidaires en alimentant une forme de négationnisme bien française [5] destinée à camoufler le crime et en brouiller la lecture pour masquer les manquements et les complicités.
Le passé ne passe pas : aujourd’hui la classe politique française continue de se déshonorer de manière décomplexée en soutenant un génocide annoncé, proclamé et internationalement toléré : celui des Palestinien-nes. Comme en 1994 au Rwanda, les grands industriels du secteur de la sécurité et de la défense bénéficient de débouchés créés par les membres de l’appareil d’État - unis par une relation d’actionnariat - en fournissant des équipements décisifs au fonctionnement des armes israéliennes utilisées pour terroriser, déloger et exterminer les Palestinien-nes [6].
Il est inacceptable que de telles politiques soient menées en notre nom et dans la plus grande opacité. Il est temps de mettre fin à la coopération militaire et policière de la France avec des régimes criminels, rendue possible par la déshumanisation et la hiérarchisation raciste des vies des pays dits du Sud.
Pour en savoir plus :
[1] Rapport de Human Rights Watch de 1995 « Rwanda/Zaïre Réarmement dans l’impunité. Le soutien international aux perpétrateurs du génocide rwandais.” http://www.hrw.org/legacy/reports/1995/Rwanda1.htm
[2] "Barril de foudre", Raphaël de Benito, Billets d’Afrique, février 2012 https://survie.org/billets-d-afrique/2012/210-fevrier-2012/article/barril-de-poudre
[3] Le crapuleux destin de Robert-Bernard Martin : Bob Denard et le Rwanda, rapport de l’association Survie, 2018 https://survie.org/publications/brochures/article/le-crapuleux-destin-de-robert-bernard-martin-bob-denard-et-le-rwanda
[4] Coopération militaire et policière en Françafrique - De l’héritage colonial au partenariat public-privé, rapport de Survie, 2018 https://survie.org/publications/brochures/article/cooperation-militaire-et-policiere-en-francafrique
[5] "Un négationnisme français", Billets d’Afrique, juin 2024 https://survie.org/billets-d-afrique/2024/337-juin-2024/article/un-negationnisme-francais